Opéras Performante Rusalka à Liège
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Performante Rusalka à Liège

31/01/2024
Corinne Winters (Rusalka) et Anton Rositskiy (Le Prince). © ORW-Liège/Jonathan Berger

Théâtre Royal, 25 janvier

Pour la création de Rusalka à l’Opéra Royal de Wallonie-Liège, Rodula Gaitanou a choisi une lecture fidèle du livret, à la différence de maintes productions récentes : pas de transposition, ni d’éléments incongrus ou excessifs de modernisation, mais un spectacle qui joue, d’abord, sur la plastique – avec des bonheurs inégaux.

L’Ouverture séduit par ce grand cylindre fait de filaments tombant des cintres, qui délimitent l’espace aquatique, à l’intérieur, et celui du monde extérieur. De part et d’autre, le Prince et Rusalka tentent d’y joindre leurs mains, avec un bel effet de reflet. Avant que s’opposent les deux univers : celui des eaux, constamment mouvant, animé par une vidéo ondoyante, pour un mouvement discret de vague sur toute la largeur du plateau, tandis que celui des humains se manifeste dans la verticalité d’un haut et étroit escalier hélicoïdal, en ferronnerie ajourée, placé côté jardin.

L’acte II déploie la spectaculaire salle principale du palais, où court, à la galerie, la même balustrade ajourée que sur l’escalier, le tout dans une lumière argentée, qui est aussi l’unique élément coloré. Le III complète simplement le décor initial par quatre grandes lamelles, qui découpent horizontalement l’espace dans la partie droite de la scène.

Moins convaincants, les costumes, également signés Cordelia Chisholm, cherchant à évoquer, par des robes à longues traînes, l’élément aquatique. Mais la foule du château s’impose très crédiblement, pour l’irrésistible bal du II, qui tient malheureusement plutôt de la pantomime, dans la chorégraphie assez peu inventive de Gianni Santucci – notamment pour le très répétitif tournoiement, à la Loïe Fuller, des voilages des Dryades et de leurs suivantes.

Rodula Gaitanou anime l’ensemble avec une efficacité inégale, une direction d’acteurs réduite, mais généralement juste, malgré quelques faux pas, comme la vulgarité de cette scène du II, où une Princesse étrangère particulièrement dévergondée viole quasiment le Prince sur le sol.

On apprécie la tentative de concrétiser l’humanisation de l’Ondine et ses efforts maladroits pour apprendre à marcher, après qu’une opération sur un lit d’hôpital a procédé à l’ablation de l’appendice pisciforme. Plus discutable, en revanche, est le parti de suivre à la lettre le texte du livret (« J’ai perdu tous mes charmes »), pour exhiber, pendant toute la durée du III, une Rusalka au crâne entièrement rasé et particulièrement enlaidie.

Un plateau très performant apporte, heureusement, de larges compensations. On attendait beaucoup des débuts, dans le rôle-titre, de Corinne Winters, prévus, dès 2020, à l’English National Opera, mais retardés par le Covid. On pourrait, peut-être, souhaiter une voix plus franchement lyrique pour le célèbre « Chant à la lune ». Mais la tragédienne d’exception se déploie pleinement dans ses deux autres airs, et pour un finale particulièrement poignant.

Le Prince d’Anton Rositskiy l’emporte très brillamment, avec un aigu triomphant et des forces inépuisables, pour négocier aussi bien les éclats que les plus fins pianissimi. Éblouissante, également, la Jezibaba de Nino Surguladze, timbre de bronze, homogénéité parfaite du registre, présence volcanique… Presque parfait, encore, le Vodnik d’Evgeny Stavinsky, à côté de la Princesse étrangère puissante, mais un peu trop monolithique dans les imprécations, de Jana Kurucova.

Hors de son répertoire usuel, Giampaolo Bisanti dirige avec l’impétuosité des Verdi ou des Puccini les plus flamboyants, qui laisse souhaiter, à plusieurs reprises, une plus grande retenue, un moindre volume sonore, et des phrasés plus idiomatiques.

FRANÇOIS LEHEL

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