Opera Vlaanderen, 25 octobre
Créée à Montpellier, en avril 2023 (voir O. M. n° 193 p. 59 de juin), cette coproduction d’Iphigénie en Tauride, signée par le metteur en scène espagnol Rafael R. Villalobos, associe le mythe des Atrides à un contexte géopolitique, qui s’appuie sur le rapport entre l’antique Tauride et l’actuelle Crimée, point de départ du conflit entre la Russie et l’Ukraine.
À la prise de rôle de Vannina Santoni, en Iphigénie, succède celle de Michèle Losier. La mezzo canadienne attire la lumière, avec sa capacité à habiter la scène par une présence et une urgence de premier plan, alliées au soin de la ligne et de la projection. Si le phrasé fait, par moments, les frais d’une énergie qui vient troubler le caractère idiomatique des énoncés, c’est bien vers elle que convergent les regards.
Moins incarné, et parfois brouillon, l’Oreste du baryton turc Kartal Karagedik alterne entre une urgence bousculée et une tendance à surligner l’expression. Le ténor belge Reinoud Van Mechelen campe un remarquable et lumineux Pylade, réussissant le tour de force de tenir le spectateur en haleine. Quant au Thoas de la jeune basse autrichienne Wolfgang Stefan Schwaiger, il impressionne par sa dynamique expressive, qui s’accorde parfaitement à la noirceur psychologique du rôle.
La direction du chef australo-néerlandais Benjamin Bayl taille dans le vif, impulsant une énergie qui donne à la ligne mélodique une tournure relativement anguleuse. Si les ballets, menés tambour battant, laissent affleurer certains déséquilibres entre la fosse et la scène, les solistes sont poussés dans leurs retranchements, pour livrer une vision du drame explicitement tragique et volontaire.
DAVID VERDIER