Opéras Luisa Miller de qualité à Avignon
Opéras

Luisa Miller de qualité à Avignon

30/05/2024
Sehoon Moon (Rodolfo) et Axelle Fanyo (Luisa). © Studio Delestrade – Avignon

Opéra, 17 mai

Après le Teatro sociale di Como AsLiCo, puis l’Opéra de Tours, ses coproducteurs, Frédéric Roels présente sa mise en scène de Luisa Miller, à l’Opéra Grand Avignon, dont il est le directeur, depuis 2019.

Une lecture qui s’intéresse, avant tout, à la question du temps. Avec ses décors blancs, comme dessinés au fusain, surmontés d’arches gothiques ; ses costumes évoquant tour à tour le Moyen Âge, les Lumières ou le XXe siècle ; et enfin, cette immense horloge, qui rappelle que la tragédie est en marche, et que le dénouement s’approche irrémédiablement.

Wurm seul est capable d’en inverser le cours, personnage ici méphistophélique, peut-être dickensien, tout de rouge vêtu, qui apporte une touche de fantastique à une approche autrement traditionnelle. Et si l’on regrette que la direction d’acteurs manque parfois de consistance, on connaît, aussi, les limites dramatiques de ce « melodramma tragico ».

Dès lors, cette production se distingue, surtout, par la qualité de ses premiers rôles, avec, d’abord, la Luisa d’Axelle Fanyo. Au-delà d’une technique solide, on retient la belle musicalité de l’interprète. La soprano française fait des ornements de son air d’entrée de véritables outils expressifs qui, loin de tourner à la démonstration virtuose, sont mis, tout entiers, au service du sentiment.

En Rodolfo, Sehoon Moon fait entendre un instrument radieux. D’un point de vue purement théâtral, le ténor coréen pourrait aller plus loin dans l’interaction avec ses partenaires, mais il convainc pleinement vocalement : « Quando le sere al placido », notamment, montre une souplesse de la ligne et un sens du lyrisme, servis par des aigus libres et brillants.

Mischa Schelomianski, basse allemande déjà présente à Tours – où la première représentation avait été annulée pour cause de grève –, incarne un Wurm qui basculerait aisément dans la caricature, n’étaient la beauté et la profondeur du timbre, ainsi qu’un impeccable legato verdien. D’abord un peu rigide, le Walter du Polonais Wojtek Smilek gagne en souplesse et trouve, dans leur duo, une osmose avec son collègue, qui en fait un très beau moment de musique et d’expressivité.

Plus en retrait, le Miller du baryton coréen Gangsoon Kim n’en aborde pas moins solidement son rôle, de même que la mezzo française Sarah Laulan en Federica, au grave assuré et timbré.

À la tête de l’Orchestre National Avignon-Provence, Franck Chastrusse Colombier sert bien la partition, grâce à des pupitres de vents et de cuivres d’une grande qualité. Le chef français peine parfois à insuffler du lyrisme aux cordes, dans les pages moins intenses dramatiquement, mais il offre, autrement, une lecture vivante et colorée, à l’image du quatuor de l’acte II, particulièrement réussi.

CLAIRE-MARIE CAUSSIN

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