Arena Sferisterio, 17 août 2023
Deuxième nouvelle production de l’édition 2023 du « Macerata Opera Festival » – complétée par une reprise de la célèbre « Traviata aux miroirs », mise en scène par Henning Brockhaus, dans les décors du regretté Josef Svoboda –, Lucia di Lammermoor se déroule sur une immense plage, où se reflètent, grâce aux magnifiques vidéos d’Étienne Guiol, les flots de la mer. Dans la mise en scène de Jean-Louis Grinda, l’élément liquide devient le personnage principal de l’opéra, autour duquel s’articulent les épisodes de l’intrigue. Servant de trait d’union entre les différents tableaux, la mer, logiquement, accueillera Edgardo au moment de son suicide.
Coproduit avec les Chorégies d’Orange, qui l’accueilleront lors d’une prochaine édition, ce spectacle, d’un remarquable pouvoir de suggestion et réalisé avec une rare économie de moyens, a le mérite de respecter en permanence la musique. La transposition de l’intrigue du XVIIe au XIXe siècle, avec des pistolets au lieu d’épées, s’opère sans dommage, comme la représentation d’une Lucia nettement plus volontaire et sûre d’elle qu’à l’ordinaire, entrant en scène vêtue d’un pantalon alla George Sand, et d’un Enrico inhabituellement humain, sincèrement attaché à sa sœur et désolé d’être contraint de la marier à Arturo.
Les débuts dans Lucia di Lammermoor de Davide Luciano et Dmitry Korchak, formés à Mozart et Rossini, étaient très attendus. C’est le baryton italien qui rafle la mise, campant un Enrico enthousiasmant : voix dans sa pleine maturité, sûreté de l’aigu, phrasé exemplaire, interprétation élégante et sobre, notamment dans le duo avec Lucia, où ses confrères ont tendance à en rajouter dans la brutalité.
À ses côtés, le ténor russe ne démérite pas. L’instrument a gagné en ampleur et en autorité, sans rien perdre de son aisance dans la partie supérieure du registre. L’invective d’Edgardo, lors du finale du II (« Maledetto sia l’istante »), possède toute l’énergie requise, tandis que la scène finale est conduite avec une superbe palette de nuances.
Avec deux artistes de ce calibre, on ne s’étonne pas que leur duo du III devienne le moment le plus électrisant de l’opéra, sensation aggravée par la discrétion de Ruth Iniesta en Lucia. La soprano espagnole possède une voix agréable et bien émise. Le volume, en revanche, reste trop limité pour un théâtre de plein air, notamment dans le médium (des phrases comme « Il pallor funesto orrendo » passent totalement inaperçues). Les vocalises s’enchaînent avec trop de fébrilité et de précipitation, tandis que le suraigu sonne strident et forcé.
Mirco Palazzi n’a pas tout à fait les graves de Raimondo, Natalia Gavrilan s’avérant, en revanche, un choix approprié pour Alisa. Enfin, si Paolo Antognetti offre un Arturo sonore et bien timbré, Gianluca Sorrentino est un Normanno trop pâle.
Au pupitre, Jordi Bernacer ne mérite que des éloges. Non seulement pour ses excellents choix de tempi, son goût des nuances, son sens de l’équilibre entre fosse et plateau, mais aussi pour sa décision de rétablir les quelques mots de remords d’Enrico, ainsi que le menaçant échange entre Raimondo et Normanno, après le départ de Lucia, devenue folle.
ERMANNO CALZOLAIO