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L’heureux retour des Pêcheurs de perles à Bordeaux

01/02/2024
Florian Sempey (Zurga) et Jonah Hoskins (Nadir). © Frédéric Desmesure

Grand-Théâtre, 26 janvier

Lors de sa création parisienne, en juin 2012 (voir O. M. n° 76 p. 71 de septembre), nous avions aimé la mise en scène des Pêcheurs de perles (version originale de 1863) par Yoshi Oïda, coproduction entre l’Opéra-Comique, l’Opéra Royal de Wallonie-Liège et l’Opéra National de Bordeaux. Déjà jouée au Grand-Théâtre, en mai 2017 (voir O. M. n° 130 p. 45 de juillet-août), elle y effectue son retour, avec un chef et une distribution différents.

Visuellement, la réussite est toujours au rendez-vous : un spectacle sobre, élégant, « classique » mais jamais kitsch, dont le succès repose sur la beauté abstraite des décors de Tom Schenk et la variété des éclairages de Fabrice Kebour. Musicalement, beaucoup de satisfactions et un (petit) bémol : Louise Foor, en Leïla.

La soprano belge, encore en tout début de carrière, ne manque pas d’atouts : phrasé et trille de haute école, sens des nuances, précision des attaques, diction impeccable et, ce qui ne gâte rien, un physique de rêve. La voix, en revanche, encore verte et un peu pincée dans l’aigu, n’est pas des plus enchanteresses, et les tensions du duo avec Zurga, au III, la soumettent à trop rude épreuve. Défauts de jeunesse, très certainement, que la maturité corrigera.

Jonah Hoskins (né en 1996) avait été, pour nous, la révélation de l’édition 2023 du Festival Peralada (voir O. M. n° 196 p. 68 d’octobre). Son Nadir est à la hauteur des attentes : timbre ravissant, souffle exceptionnel (le mi final de sa « Romance », tenu aussi longtemps qu’indiqué), aigu impeccablement amené et émis, respect absolu des indications figurant sur la partition, ce qui permet au ténor américain de faire surgir naturellement l’émotion. Saluons, également, la netteté et l’expressivité de sa diction.

Une réserve, quand même, qui ne s’entendait pas dans l’acoustique privilégiée de l’Église du Carmen, à Peralada : l’instrument n’est pas des plus puissants, ce qui, dans une salle plus vaste que le Grand-Théâtre, pourrait s’avérer gênant. À vérifier, le 4 mars prochain, quand Jonah Hoskins retrouvera Nadir, en version de concert, au Théâtre des Champs-Élysées, en remplacement de Xabier Anduaga.

« Avec son timbre somptueux et son émission arrogante, Florian Sempey campe un Zurga aussi autoritaire qu’émouvant. Sauf qu’on le souhaiterait un tout petit peu plus libéré, certains accents accusant un excès d’emphase. » Voici ce que nous écrivions, en 2018 (voir O. M. n° 141 p. 79 de juillet-août), dans notre compte rendu de l’intégrale des Pêcheurs de perles, publiée chez Pentatone, avec Alexandre Bloch à la baguette. Rien à ajouter, en 2024, sinon qu’il serait temps que le baryton français, l’un des plus doués de sa génération, se décide enfin à moins forcer et appuyer les sons.

Dès qu’il faut chanter forte, un torrent de décibels, excessif en regard des dimensions du Grand-Théâtre, déferle dans les oreilles de l’auditeur, et le piano tend souvent vers le mezzo forte – à Toulouse, en septembre dernier (voir O. M. n° 197 p. 85 de novembre 2023), Alexandre Duhamel, son ancien camarade d’études à l’Atelier Lyrique de l’Opéra National de Paris, souffrait du même handicap.

La faute à l’orchestre, qui jouerait trop fort ? Certes, l’excellent Orchestre National Bordeaux Aquitaine donne parfois l’impression de saturer l’espace… Pour le reste, la direction de Pierre Dumoussaud soulève l’enthousiasme, tant pour son raffinement et son abandon dans les passages élégiaques, que pour sa vigueur et son sens du grand spectacle dans les ensembles, tellement influencés par l’esthétique du « grand opéra ».

Complétant notre bonheur, Matthieu Lécroart campe un Nourabad aussi éloquent que bien chantant, et le Chœur de l’Opéra National de Bordeaux ne connaît aucune faiblesse.

RICHARD MARTET

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