Olympia City Music Theatre « Maria Callas », 14 & 15 décembre
Étrange destin que celui de l’opérette. Négligée, parfois réduite à d’improbables versions de concert, elle réserve encore de belles surprises. L’opérette grecque fait partie de ces dernières.
Alors qu’en 2023, Athènes célèbre, sous mille formes, le centenaire de la naissance de Maria Callas, l’Olympia City Music Theatre, qui porte son nom, propose, pour une série de huit représentations, un titre peu connu hors de Grèce, Les Apaches d’Athènes (1921) du compositeur Nikos Hadjiapostoulou (1884-1941).
En quatre saisons, l’ouvrage enchanta plus de 400 000 spectateurs, dans une ville qui ne comptait pas 300 000 habitants. Et en 1930, un film sonore en fut tiré par Dimitrios Gaziadis, assistant à Berlin de Pabst et de Lubitsch, dont la copie, retrouvée dans les archives de la Cinémathèque Française, a été projetée, en 2020, au Centre Culturel de la Fondation « Stavros Niarkos ».
L’Olympia City Music Theatre présente, aujourd’hui, les aventures du triangle amoureux entre un séduisant voyou des quartiers périphériques, Kostas, une charmante vendeuse de fleurs, Titika, et l’héritière de nouveaux riches, Vera. La mise en scène de Vasilis Mavrogeorgiou, dans des décors et des costumes ingénieux, fait la joie de plusieurs générations réunies.
Kornilios Michailidis dirige, avec une précision sans faille, les rythmes de valse, de fox-trot, de mambo et les emprunts au jazz. La guinguette des actes I et III, le salon du II, donnent l’occasion de coups de théâtre efficacement éclairés. L’on va, sans cesse, de l’opérette marseillaise aux œuvres de Maurice Yvain, sans oublier la « zarzuela ».
Les qualités vocales et dramatiques des deux distributions, comme leur sens du texte, enthousiasment la salle. Nous ne sommes, certes, à même d’apprécier que les deux premiers atouts.
Des barytons sonores et bons comédiens (Yiorgo Ioannou et Georgios Iatrou, puis Marinos Tarnanas et Nikos Ziaziaris) incarnent, avec truculence, les « Apaches » Karoubas et Karkaletsos. Quant aux sopranos Myrsini Margariti et Annie Fassea, elles apportent au personnage de Vera leur art et leur allure.
Pour Titika, caractère bien trempé, il faut une mezzo capable de Carmen, comme de Rosina (Il barbiere di Siviglia) ; Diamanti Kritsotaki et Martha Sotiriou n’y manquent pas. De son côté, Kostas réclame un vrai ténor, qui en assume airs et duos très lyriques. Christos Kechris et Yannis Fillias campent, l’un et l’autre, un héros à la fois roublard et sincère, partagé entre deux femmes.
Paralis, le nouveau riche, est joué, avec drôlerie, par Angelos Papadimitriou et Christos Stergioglou. Il entend émerveiller les foules, lors de la grande fête qu’il donne pour l’anniversaire de sa fille, en produisant une « artiste invitée » : Zozo Sapountzaki (née en 1933), connue de tous les Grecs pour ses films, ses chansons et sa figure de « reine de la nuit » athénienne, égérie d’Onassis et de Niarkos.
Présentée comme « un nouveau talent du mélodrame grec », accompagnée au piano et armée d’un micro, la diva chante trois titres fameux de son répertoire : Encore un petit verre, Malheur à toi et Je veux m’éclater. Commentaire de Paralis : « Je lui prédis une brillante carrière » !
Pour que tout s’achève sur des chansons, il faut une fin prometteuse : tandis que Titika fera sa vie avec son ami d’enfance, sa rivale Vera noiera sa peine dans l’art, en collaborant à un film, qui s’appellera Les Apaches d’Athènes.
Si ce joli spectacle, dont le triomphe a été tel, qu’il aura été nécessaire d’ajouter deux représentations supplémentaires, les 26 et 27 décembre, devait s’exporter, il faudrait en traduire les dialogues parlés dans la langue du pays d’accueil et les réduire. Tout serait vraiment parfait !
PATRICE HENRIOT