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Le retour de Thomas Allen en Schauspieldirektor à Utrecht

05/12/2023
Chelsea Bonagura (Madame Herz) et Thomas Allen (Leo). © Joost Milde

Stadsschouwburg, 25 novembre

Opera Zuid est une compagnie basée à Maastricht, dont les spectacles circulent dans tout le sud des Pays-Bas. Il s’agit, bien sûr, de productions légères, destinées à des publics éloignés des grandes scènes. Basée sur Der Schauspieldirektor de Mozart, et construite autour de la personnalité de Thomas Allen, celle-ci rend, en une heure et demie, un hommage quelque peu humoristique au genre.

S’il a cessé de chanter depuis quelques années maintenant, le grand baryton britannique, à l’orée de ses 80 ans, n’a pas tout à fait renoncé au théâtre. On le retrouve, toujours vert et subtil comédien, dans cette pochade où il joue, au second, voire au troisième degré, le rôle-titre.

Son compatriote et complice, Christopher Gillett, ténor devenu metteur en scène, a imaginé, à partir de la satire de Stephanie le Jeune, une double parodie, dans laquelle une troupe du XIXe siècle répète Der Schauspieldirektor, sous l’œil d’une réalisatrice contemporaine et de son assistant – « Un opéra dans un opéra sur le montage d’un opéra », pour reprendre la formule de Christopher Gillett.

Dans une boîte évoquant une version pauvre d’une toile de Vermeer, encadrée de deux grandes peintures XVIIIe – une marine et une nature morte –, la pièce passe en permanence entre plusieurs réalités, jusqu’à perdre un peu le spectateur. Quoique pour son plus grand plaisir.

Tout y est : la chanteuse remplaçante, que l’assistant manipule comme une simple poupée ; le ténor tentant de séduire, hors scène, la soprano ; la rivalité des deux divas en herbe… Au centre a été placée une charge contre le « Regietheater », avec l’apparition d’un extravagant metteur en scène, qui vient expliquer qu’il a transposé Lohengrin dans une laverie, et s’apprête à monter un autre titre dans une version Star Wars.

À vrai dire, si l’épisode est amusant, il est un peu trop exagéré, pour que la critique soit efficiente. D’autant plus qu’il est suivi d’un long monologue nostalgique, légèrement amer, où Thomas Allen évoque les années glorieuses, où il pouvait encore chanter, et se demande comment l’opéra a pu en arriver là.

Pour faire bonne mesure « musicale », la brève partition mozartienne a été farcie de quelques pièces tirées d’autres œuvres du compositeur, et chantées par les personnages inventés. L’assistant s’essaie, ainsi, au « Non più andrai » de Figaro, en obligeant Thomas Allen à jouer Cherubino ; un couple farfelu vient interpréter le duo entre Papageno et Papagena ; et le trio de Cosi fan tutte illustre les propos nostalgiques du directeur de théâtre.

Du côté des personnages originaux, on retient le joli timbre lyrique du ténor Mitch Raemaekers, en Monsieur Vogelgesang. Grande voix, mais aigu un peu métallique, Chelsea Bonagura incarne, avec humour, son double rôle de cantatrice remplaçante et de Madame Herz. L’air de Susanna (« Deh, vieni, non tardar ») a été ajouté pour le soprano léger de Kristina Bitenc, en Mademoiselle Silberklang, qui l’interprète avec un rien de raideur. Dans la fosse, l’orchestre Philharmonie Zuidnederland, sous la direction musicale d’Enrico Delamboye, paraît épais de son, mais sait parfaitement son Mozart.

Si la représentation est à 90 % en anglais, l’omniprésence des « poffertjes » (sortes de petites crêpes), dont se goinfre le metteur en scène, et quelques inserts en néerlandais apportent une touche locale à ce sympathique spectacle.

ALFRED CARON

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