Opéra Comique, 8 octobre
Créé, en 1988, par le Centre Français de Promotion Lyrique (CFPL) et la Fondation France Télécom, depuis devenus, respectivement, Génération Opéra et la Fondation Orange, le Concours « Voix Nouvelles », dont la finale se tient à l’Opéra-Comique, a couronné, lors de ses quatre précédentes éditions, Natalie Dessay (1988), Stéphane Degout (1998), Karine Deshayes (2002) et Hélène Carpentier (2018).
Au terme d’un processus de sélection mené en France métropolitaine et d’outre-mer, dans des pays francophones (Belgique, Suisse, Canada), ou en partenariat avec les Instituts Français de grandes capitales européennes (Berlin, Londres, Bucarest), le jury paritaire, composé de trente-cinq membres, a entendu dix finalistes – cinq sopranos, trois mezzos, deux ténors –, interprétant chacun deux airs d’opéra (dont un, au moins, en français), accompagnés par l’excellent Orchestre Philharmonique de Nice, sous la direction attentive et très soignée de Chloé Dufresne.
La soprano française Livia Louis-Joseph-Dogué (20 ans) est la benjamine de la compétition. Sa voix importante promet beaucoup. Dans l’air « Je dis que rien ne m’épouvante » de Micaëla (Carmen), on pourrait souhaiter qu’elle évite de segmenter « Mais j’ai beau faire/la vaillante » et « Donnez-moi/du courage ! ». Du courage, elle n’en manque pas pour le « Tu, che di gel sei cinta » de Liù (Turandot), qu’elle ne devrait pas chanter perpétuellement forte, au risque de sons parfois métalliques. Le Prix du Public lui revient.
Emy Gazeilles (23 ans), autre soprano française, séduit par son élégance et son aisance en scène. Elle délivre un « O ! quante volte » (I Capuleti e i Montecchi de Bellini) très pur, et un « Salut à la France ! » (La Fille du régiment de Donizetti) audacieux dans sa vocalisation, avec un aigu infaillible. Elle obtient le Sixième Prix.
La mezzo belge Lotte Verstaen (27 ans) impose un médium et un grave sans poitrinage, dans La Favorite de Donizetti, hélas en italien (« O mio Fernando »). Elle sait aussi bouleverser le public, dans la version originale française de La Pucelle d’Orléans de Tchaïkovski (« Adieu, forêts ! »). Le Cinquième Prix salue sa prestation.
La soprano française Héloïse Poulet (25 ans) compose un programme stupéfiant de contraste et de maîtrise : l’air « Aux langueurs d’Apollon » (Platée de Rameau), absolument hilarant, précède le dramatique « Amour, ranime mon courage » (Roméo et Juliette de Gounod). Voix longue, homogène, intense, elle reçoit le Quatrième Prix.
La mezzo française Juliette Mey (23 ans) propose deux Cendrillon, celle de Massenet (où son effroi fait merveille), et celle de Rossini (La Cenerentola). Malgré quelques problèmes d’intelligibilité du texte, sa parfaite technique lui vaut de décrocher le Troisième Prix.
Son compatriote, le ténor Léo Vermot-Desroches (31 ans), avant un probant « Lamento » (L’Arlesiana de Cilea), éblouit dans la « Chanson de Kleinzach » (Les Contes d’Hoffmann d’Offenbach) : diction exemplaire, projection insolente, aigu implacable, sens des nuances… Son Deuxième Prix est incontestable.
Enfin, Lauranne Oliva (23 ans) se montre irréprochable dans « Caro nome » (Rigoletto) et le second « Salut à la France ! » (La Fille du régiment) de la soirée. La soprano française obtient le Prix des Opéras Suisses, décerné par Dieter Kaegi, directeur du TOBS (Théâtre Orchestre Bienne Soleure/Theater Orchester Biel Solothurn), mais aussi – et surtout – le Premier Prix.
Visiblement en méforme, Valentin Thill (29 ans) lutte vaillamment contre une affection saisonnière. Le ténor français séduit dans la rêverie berliozienne (« Sur les monts les plus sauvages » de Benvenuto Cellini), puis dans la verve puccinienne (« Firenze è come un albero fiorito » de Gianni Schicchi).
La mezzo belge Linsey Coppens (29 ans) présente un programme vivant et dramatiquement efficace, avec Urbain (Les Huguenots)et Rosina (Il barbiere di Siviglia). Elle est, peut-être, l’une des plus engagées dans la carrière.
La soprano française Lila Dufy (31 ans) donne une leçon de vocalise et de chromatisme très juste, autant dans Le Coq d’or (Rimski-Korsakov) que dans Le Comte Ory (Rossini). Encore une artiste très professionnelle.
Bien que ces trois derniers candidats n’aient pas été récompensés, ils témoignent, eux aussi, du haut niveau du Concours « Voix Nouvelles », qui porte à regretter certaines lacunes du palmarès. Jérôme Gay, président de Génération Opéra, le rappelle : contre la morosité, cette finale permet d’affirmer que « l’art lyrique a les moyens de poursuivre son chemin ».
PATRICE HENRIOT