Opéras La voix de Malcolm X résonne à New York
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La voix de Malcolm X résonne à New York

04/12/2023
Will Liverman (Malcolm) Victor Ryan Robertson (Elijah). Met Opera/Marty Sohl

Metropolitan Opera, 14 novembre

X : The Life and Times of Malcolm X, qui célèbre l’influent, emblématique, et toujours énigmatique, défenseur et martyr de la cause des droits civiques afro-américains, est une affaire de famille, comme peu d’autres œuvres du répertoire lyrique. La partition d’Anthony Davis (né en 1951) développe, en effet, un scénario de son frère Christopher Davis, transformé en livret par leur cousine, la célèbre journaliste, poète et dramaturge Thulani Davis.

Même si la création, en 1986, au New York City Opera, a résonné avec la réémergence, en réaction au conservatisme de l’ère Reagan, de la figure de Malcolm X (1925-1965), en tant qu’icône dans la culture populaire – tant sur des tee-shirts qu’au cinéma, avec le film de Spike Lee, sorti six ans plus tard –, l’ouvrage a peu été repris depuis.

Longtemps attendue, cette nouvelle coproduction entre le Detroit Opera, où elle a d’abord été présentée, en mai 2022, Opera Omaha, le Metropolitan Opera de New York, le Seattle Opera et le Lyric Opera de Chicago, s’est révélée excellente à bien des égards.

Robert O’Hara, qui faisait ses débuts au Met, avec son impressionnante équipe, est une sorte de génie théâtral. Bien qu’elle accroche l’œil, sa mise en scène donne le sentiment d’être un peu boursouflée par des figurants et une chorégraphie somptueuse, s’écartant, dès lors, de la ligne tracée par Christopher et Thulani Davis.

Son impact n’en force pas moins le respect – et quelle merveille de voir, dans la salle, un public aussi jeune, et d’une telle diversité ! Mais sans doute le spectacle rendrait-il mieux justice à cette œuvre d’envergure, mais plutôt statique, semblable à une Passion, dans des espaces moins immenses que celui du Met – comme l’étaient le Detroit Opera et Opera Ohama, et comme le sera, en février-mars 2024, le Seattle Opera.

D’autant que quelque chose, dans la conception acoustique de la production, étouffe les voix de façon frustrante, au I. Peut-être le décor imposant, mais très ouvert, de Clint Ramos – impliquant, telle une vanité fantastique, un vaisseau spatial planant au-dessus des débats – n’y est-il pas étranger, mais le problème s’est résolu dans les actes suivants.

Brillante en soi, la flotte de spectaculaires costumes afro-futuristes de la talentueuse Dede Ayite, arborés par les figurants, va parfois à l’encontre du contenu réaliste et historique qui sous-tend le livret – même si l’œuvre se démarque, intentionnellement, d’un récit conventionnel. Ces éléments témoignent, sûrement, d’un avenir riche et pacifique pour la diaspora africaine. En tant que tels, ils encadrent la description de l’évolution personnelle, religieuse et politique du protagoniste, marquée par les transformations de son nom – de Malcolm Little à Malcolm X, et enfin El-Hajj Malik El-Shabazz.

Même s’il n’en a pas la stature physique, le baryton Will Liverman livre une interprétation engagée, nuancée, et vocalement impressionnante de cette figure complexe. Victor Ryan Robertson se distingue par la souplesse de son chant et ses inflexions théâtrales, dans le double rôle de ténor de Street – un amalgame à la Sportin’ Life (Porgy and Bess) des influences de Malcolm Little, dans ses années dissolues, à Boston – et d’Elijah Muhammad. Celui-ci, chef charismatique de l’organisation Nation of Islam, fut l’inspirateur et le mentor de Malcolm X, jusqu’à ce que ce dernier commence à défier son autorité, et à formuler d’autres objectifs et stratégies.

Deux des plus remarquables cantatrices afro-américaines d’aujourd’hui interprètent, chacune, deux des principaux personnages féminins. Au soprano incisif de Leah Hawkins reviennent Louise, la mère de Malcolm, et son épouse, Betty, tandis que la mezzo Raehann Bryce-Davis incarne, de manière vibrante, Ella, la demi-sœur qui a élevé le protagoniste, et la prophétique Audley « Queen Mother » Moore.

Malheureusement, les voix féminines bénéficient d’une écriture moins spécifique et mémorable que celle des rôles masculins. De ce point de vue, la plus grande efficacité, sur le plan émotionnel, est atteinte dans une scène de prison intime entre Malcolm et son frère Reginald – le très solide baryton-basse Michael Sumuel –, où le premier découvre le potentiel de transformation du mouvement d’Elijah.

Kazem Abdullah, remarqué pour son excellent travail sur des partitions contemporaines au New York City Opera et au Cincinnati Opera, n’avait, jusqu’à présent, dirigé au Met qu’en prenant le relais d’autres chefs, et pour trois représentations seulement – dans Orfeo ed Euridice, en 2009, et Fire Shut Up in My Bones, en 2021. Il était donc salutaire de le voir aux commandes des forces musicales de la maison, dans une nouvelle production. 

Outre l’orchestre habituel du Met, qui répond ici à la large gamme de rythmes de danse internationaux que déploie la partition, Anthony Davis fait appel à Episteme, un octuor de jazz qu’il a formé, en 1981. Ses musiciens jouent merveilleusement, habiles à canaliser les styles de Duke Ellington, John Coltrane et Charles Mingus, repris, entre autres, par le compositeur, aux côtés de ses propres évocations du jazz d’avant-garde de l’époque de Malcolm X.

DAVID SHENGOLD

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