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La Fille du régiment en toute prudence à Paris

12/11/2024
Lawrence Brownlee (Tonio) et Julie Fuchs (Marie). © Opéra National de Paris/ Elisa Haberer

Opéra Bastille, 26 octobre

Ah, les souvenirs ravis ! On se réjouissait de retrouver La Fille du régiment selon Laurent Pelly, production créée au Covent Garden de Londres, en janvier 2007 (disponible en DVD chez Virgin Classics/Erato), et qui, après avoir conquis le Staatsoper de Vienne et le Metropolitan Opera de New York, avait finalement subjugué l’Opéra National de Paris, avec toujours Natalie Dessay et Juan Diego Florez, en octobre 2012 (voir O. M. n° 79 p. 67 de décembre).

Douze années d’absence peuvent, cependant, peser lourd. On a, cette fois, l’impression de retrouver un spectacle certes mémorable, mais qui en est devenu un autre, un peu décevant : c’est que, malgré la présence du metteur en scène français aux répétitions, le cousu main sur les corps et les caractères des nouveaux interprètes, qu’il maîtrise en principe si bien, semble ici du prêt-à-porter.

D’autant que, pas de chance, Julie Fuchs est annoncée malade. Elle assurera crânement sa partie, mais sans la défonce – et d’aigus, et de jeu – qu’on y attend. Si la voix reste délicieuse, dès qu’il s’agit de montrer les émotions de Marie, sa délicatesse de fond, son charme naturel, aussi, la pyrotechnie reste préservée de toute démonstration. Saluons, alors, la prudence qui évite à l’instrument tout accident, laissant à l’élégance du chant le soin de pallier la dérobade d’un soir de la technique.

Lawrence Brownlee est, lui, au meilleur de sa forme, qui reste celle d’une petite voix, peu variée, peu expressive, mais très bien conduite. Pour Tonio, cela se traduit, surtout, par un défaut de projection, insuffisante pour remplir, et sidérer, le vaisseau Bastille. Et quand il s’agit de briller avant tout, pour affronter la cascade des fameux contre-ut (« Ah ! mes amis, quel jour de fête… Pour mon âme »), l’auditeur reste sur sa faim.

Lionel Lhote compose, pour sa part, un brave Sulpice, manquant de la bonhomie, fâchée et tendre, qu’on y peut souligner par un chant sonore et puissant. Déception, encore, avec la Marquise de Susan Graham, qui n’en a plus les notes graves, et peine à faire vivre son personnage. Son intendant Hortensius, incarné par Florent Mbia, la domine de haut. Si Felicity Lott n’ose plus l’ajout de son « Schätzli » suisse d’il y a douze ans, elle reste parfaite dans la caricature complice de la Duchesse, vraie leçon de style et de maintien, d’une drôlerie toujours irrésistible.

Evelino Pido dirige souvent sans ce qu’il faut d’allant porteur, laissant parfois un vrai relâchement s’imposer. Si le chef italien est attentif au soutien de Marie – c’est, ce soir, très nécessaire –, il n’insuffle pas à la partition cette osmose vivifiante, qui en fait tout le prix. Mais comment faire quand la distribution reste sage en permanence ?

PIERRE FLINOIS

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