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Kirill Petrenko comme une évidence dans Der Rosenkavalier à Milan

14/11/2024
Sabine Devieilhe (Sophie) et Kate Lindsey (Octavian). © Teatro alla Scala/Brescia e Amisano

Teatro alla Scala, 29 octobre

Retrouvailles, à la Scala, avec la production de Der Rosenkavalier, montée par le regretté Harry Kupfer, au Festival de Salzbourg, en août 2014 (voir O. M. n° 66 p. 99 d’octobre). Déjà reprise, à Milan, en 2016, avec sa distribution originale – qu’on retrouve encore partiellement, huit ans plus tard –, elle reste un bijou exemplaire du charme discret de la mélancolie.

Mais l’événement, c’est d’abord l’invitation lancée par Dominique Meyer à Kirill Petrenko, devenu rare en fosse, depuis son départ du Bayerische Staatsoper de Munich, à l’été 2021. Pour l’actuel directeur musical des Berliner Philharmoniker, se retrouver à la tête de l’orchestre de la Scala est, donc, une première.

Dès l’explosion de sensualité initiale, l’osmose entre chef et musiciens fait évidence. On retrouve toutes les qualités de cette baguette aussi persuasive qu’exigeante, qui fait merveille de complicité dans cet opéra plein d’une ardeur douce-amère délicieusement enlevée, souriante et nostalgique. Légèreté, transparence, clarté, dynamique, raffinement instrumental, cohésion sans faille de l’ensemble sont les maîtres-mots d’une direction inspirée.

S’il lui est facile d’animer d’émotion pure les transcendances du monologue de la Maréchale ou le trio/duo final, somptueux jusque dans cette mélancolie doucereuse qui pointe dès l’introduction du I, et si la narration ne faiblit pas un instant, le plus miraculeux est, peut-être, la façon dont le chef pare la lourdeur intrinsèque des scènes de  l’auberge, d’un voluptueux sens de l’aérien.

Le temps qui passe, si bien évoqué par Hugo von Hofmannsthal et Richard Strauss, pouvait parallèlement s’insinuer dans le chant. Pour l’admirable Krassimira Stoyanova, 62 ans aujourd’hui, le personnage de la Maréchale s’est un peu alourdi, sans rien perdre de sa sympathie naturelle. La voix, quant à elle, n’a pas pris une ride, et demeure d’une beauté majuscule, souveraine de classe et de délicatesse.

Autre survivant, le Baron Ochs de Günther Groissböck a su, la maturité venue, garder, avec une jeunesse physique rayonnante, un abattage et une liberté de théâtre confondants. Chez lui, si le somptueux du grave abyssal s’est plutôt éteint, la technique demeure, et la volubilité aussi. Magistral, encore.

Nouvelle venue dans la distribution, Kate Lindsey est irrésistible. Son Octavian est passionnant de bout en bout, déchiré mais enthousiaste, réactif et vivifiant, et magnifiquement chanté, d’un timbre aux couleurs envahissantes de beauté.

Réponse à sa mesure, avec la Sophie de Sabine Devieilhe qui est une perfection, de voix, pure, aérienne, de présence aussi, lumineuse. Bref, un quatuor idéal et transcendant, répondant divinement à l’orchestre.

Remplaçant Johannes Martin Kränzle, qui a mis de côté sa carrière pour lutter contre la leucémie, qui le frappe à nouveau, Michael Kraus s’avère un excellent Faninal, au sein d’une distribution particulièrement soignée.

PIERRE FLINOIS

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