Opéras Irrésistible Gosse de riche à Paris
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Irrésistible Gosse de riche à Paris

21/03/2024
Amélie Tatti (Colette Patarin), Marie Lenormand (La Baronne Skatinkolovitz), Lara Neumann (Suzanne Patarin), Charles Mesrine (Léon Mézaize), Philippe Brocard (Achille Patarin), Aurélien Gasse (André Sartène). © Camille Girault

Athénée Théâtre Louis-Jouvet, 9 mars

Les Frivolités Parisiennes, 12 ans d’âge déjà, ont remarquablement su trouver leur place et leur raison d’être, en prenant – avec amour, mieux, passion – le parti de l’opérette des « Années folles ». Pas aussi naïf, bien plus caustique qu’au siècle précédent, pas moins délicieux, et irrésistible d’entrain, le genre s’y régénéra totalement, pour s’effacer globalement, après-guerre, devant l’assaut du « musical » à l’américaine, et sombrer dans un oubli regrettable. Honneur, donc, à ces pionniers du renouveau actuel, qui redonnent, avec d’autres compagnies, swing et saveur aux petits bijoux d’alors.

On reste encore marqué par le merveilleux Coups de roulis, que Les Frivolités Parisiennes avaient monté, au Théâtre Impérial de Compiègne et, déjà, à l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet, l’an dernier (voir O. M. n° 191 p. 42 d’avril 2023). Disons tout de suite qu’on n’a pas retrouvé le même bonheur avec Gosse de riche, la barre musicale et poétique étant, avec André Messager, autrement haut placée. Maurice Yvain (1891-1965) n’en fait pas moins partie des gloires de l’époque, avec ses mélodies enjôleuses ou enlevées, et son théâtre vachard et lucide, mais si complice – caractéristique, déjà, de Là-Haut !, monté, ici même, en 2022.

Le livret, indispensable ressort de cet humour musical ravageur, est signé, non de son compère Albert Willemetz, mais du duo, pas moins piquant, formé par Jacques Bousquet et Henri Falk, qui ont retenu de Feydeau le sens des situations ingérables, ici particulièrement retorses. André Sartène, peintre photographe, a pour maîtresse Nane, qu’il partage, sans que celui-ci le sache, avec son riche client Achille Patarin, un parvenu dont il fait le portrait.

Ce dernier, partant en vacances, avec son épouse Suzanne, chez la Baronne Skatinkolovitz, une entremetteuse snob plus obsédée par ses 20 % de commission que par les convenances, imagine de faire inviter Nane par son hôtesse, qui va lui trouver, pour éviter les soupçons de Mme Patarin, un mari de complaisance, Léon Mézaize. Pour compliquer le tout, Colette, la fille unique des Patarin – la « gosse de riche » qui n’en fait qu’à sa tête –, a eu le coup de foudre pour Sartène, et fait en sorte qu’il rejoigne, lui aussi, la Bretagne. La machine lancée, rien ne saura l’arrêter. Les reparties fusent, et le rire éclate sans cesse.

Si Les Frivolités Parisiennes avaient déjà monté l’œuvre, en 2017, au Théâtre Trévise, il s’agit, ici, d’un tout nouveau spectacle, confié au savoir-faire de Pascal Neyron. Même si le texte parlé – bavard – l’emporte un peu trop sur le chanté, enfermé dans ses numéros trop isolés, rythme et rentre-dedans sont habilement exploités par des acteurs aux costumes imaginatifs.

Ceux-ci se détachent aisément sur des fonds d’une sobriété bienvenue : un grand tableau caché sous un drap blanc, au milieu d’un atelier noir, une salle pleine de lumière du large, bleue, rosée, un écrin doré qui conserve, au III, les personnages, jusqu’à leur intervention dans l’action, tout est simple, et efficace. Et suffisant pour retrouver l’esprit parisien de 1924, mêlé d’une modernité, qui dit l’actualité de mœurs toujours en pratique.

L’humour musical reste davantage de son temps, qui sait aussi bien caractériser le parvenu (« Quand on est riche », vrai marqueur thématique), montrer que la java était neuve, alors, ou jouer du pastiche. Surprise dans la fosse, pas de chef : le petit ensemble orchestral, conforme à l’original d’Yvain, est tellement rodé qu’il fait un sans-faute, mené  par Thibaut Maudry, premier violon.

Sur scène, on ne résiste pas au beau baryton de Philippe Brocard, totalement à l’aise en nouveau riche à gifler. Marie Lenormand compose une Baronne haute en couleur, flamboyante et défaite, dont on ne sait si elle se moque ou compatit (« Faible et tendre femme ») aux déboires de son sexe.

Amélie Tatti est une Colette sûre d’elle, bien chantante, comme Julie Mossay, amante sans scrupule, tout aussi volontariste. Aurélien Gasse, écartelé entre les deux, compose un peintre indécis, mais assez poète pour qu’on l’apprécie, et Charles Mesrine offre un mari de service drolatique.

Mais la plus ébouriffante, c’est Lara Neumann, épouse popote et aveugle qui, une fois décillée, devient une bête de scène, emportant la salle avec elle. On en redemande.

PIERRE FLINOIS

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