Opéras Idomeneo figé sur son piédestal à Toulouse
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Idomeneo figé sur son piédestal à Toulouse

06/03/2024
Ian Koziara (Idomeneo). © Mirco Magliocca

Théâtre du Capitole, 1er février

Resserré, semble-t-il, par le passage du semi-plein air de l’Archevêché à un théâtre fermé – en l’occurrence, le Capitole de Toulouse –, l’Idomeneo d’abord présenté par le metteur en scène japonais Satoshi Miyagi, au Festival d’Aix-en-Provence, en juillet 2022 (voir O. M. n° 185 p. 29 de septembre), n’a guère gagné en pertinence, loin s’en faut.

L’oubli n’aura guère été bénéfique aux ballets de soldats, censément tombés au combat, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, qui, vus une seconde fois, n’en sont que plus affligeants. À l’instar de ces personnages d’« opera seria », fort pléonastiquement figés sur des piédestaux mobiles. De surcroît à des hauteurs soumettant trois des protagonistes – Elettra fait exception – à un inconfort patent, qui n’est pas sans nuire à la qualité du chant.

Ilia excède, ainsi – du moins dans ce contexte, où elle apparaît constamment tétanisée sur son perchoir –, les capacités techniques de Marie Perbost. C’est qu’il manque, à la soprano française, une vertu ici essentielle, la ductilité – du timbre, au métal quelconque ; du souffle, qui donne vie au son ; de la ligne, enfin, sèche et contrainte.

Supposément antagoniste, Andreea Soare déploie un instrument conséquent, dont le fini, la discipline n’en laissent pas moins à désirer, en dépit de quelques fulgurances, notamment dynamiques. Surtout, la lumière inflammable de son soprano, au tranchant d’abord univoque, tend à virer à la stridence, dans le redoutable « D’Oreste, d’Aiace » – ce qui, dans une certaine mesure, qu’elle peine toutefois à ne pas dépasser, s’accorde au désespoir rageur d’Elettra.

Tendu, le vibrato serré, et surchargeant sa partie d’aigus aussi douteux que, parfois, douloureux, Cyrille Dubois se débat avec la tessiture d’Idamante, destiné, à l’origine, à un castrat soprano. Il est vrai que, l’ajout de la Scena con Rondo avec violon obligé, « Non temer, amato bene » (KV 490), et le changement du duo « S’io non moro » en « Spiegarti non poss’io » (KV 489) exceptés, Mozart oscille, pour cette révision, donnée en concert, à Vienne, en 1786, dans un cadre privé, entre une simple transposition des airs, à l’octave inférieure, et une adaptation plus spécifique de l’écriture des ensembles.

Cette hybridation, en malmenant l’intégrité d’un matériau, sans doute plus naturellement épanoui dans le registre de haute-contre à la française que de tenore di grazia, oblige l’interprète à compenser une consistance dès lors fluctuante, par des maniérismes – les récitatifs – ou une espèce de surexpressivité paroxystique, dont pâtit le style de cet artiste si finement musicien.

Arbace épargné comme rarement – ses deux airs sont donnés dans leur intégralité –, Petr Nekoranec aurait, peut-être, modèle de couleur à l’ancienne et de phrasé, davantage convaincu dans le rôle du prince, malgré une certaine étroitesse du registre supérieur.

L’émission de Ian Koziara n’est, certes, pas toujours des plus orthodoxes, mais son incarnation, vocale et physique, d’Idomeneo est d’une intensité, et d’une autorité inespérées. Ample, profondément ancré, sans être barytonnant, et d’une superbe éloquence, le ténor américain fait passer, comme peu d’autres, un authentique frisson virtuose dans les périlleuses coloratures de « Fuor del mar ».

Palliant l’absence du chœur maison, occupé, à Paris, par la reprise du Boris Godounov étrenné, en novembre dernier, à l’Opéra National Capitole Toulouse, par son coproducteur, le Théâtre des Champs-Élysées, le chœur de chambre Les Éléments relève le défi de cette partition exigeante, avec jeunesse et clarté.

Lauriers, enfin, pour la fosse, où l’Orchestre National du Capitole, s’il n’a pas la netteté des attaques et la variété d’articulation des ensembles « historiquement informés », devenus incontournables dans ce répertoire, chante admirablement, sous la battue théâtrale, et jamais prévisible, d’un Michele Spotti souvent captivant.

MEHDI MAHDAVI

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