Opéras Frustrant Don Giovanni à Liège
Opéras

Frustrant Don Giovanni à Liège

05/06/2022

Théâtre Royal, 13 mai

Dans son compte rendu, notre regretté confrère Jean-Luc Macia s’étendait longuement sur la création de cette production par l’Opéra Royal de Wallonie-Liège, en novembre 2016 (voir O. M. n° 124 p. 33 de janvier 2017).

Jaco Van Dormael transpose l’intrigue au XXIe siècle, dans un univers de traders, où les cotations du catalogue de Leporello s’inscrivent sur des écrans en fond de salle, et la scène du balcon se déroule via des iPhones. Est-ce une affaire de goût personnel ? Malgré la prouesse technique des changements à vue et la direction d’acteurs au cordeau, nous n’avons pas été conquise, tant nous avons trouvé les images laides et pesantes.

Ou bien s’agit-il d’un tout ? Ce soir de première, la direction de Christophe Rousset, dont on attendait beaucoup, sonne bien pâteuse, engluée dans une sorte de mezzo forte permanent. Les tempi sont la plupart du temps très vifs, mais quelquefois ralentis à l’extrême, si bien qu’on sent toujours les chanteurs sur le fil du rasoir, prêts à riper en décalage avec l’Orchestre de l’Opéra Royal de Wallonie-Liège, et se rattrapant au moment ultime. Tout se règle mieux après l’entracte.

Dans la même léthargie, on placera le Leporello sans caractère de Laurent Kubla – seul reconduit de la distribution de 2016 –, le Commandeur dépourvu d’aura de Shadi Torbey, et la Donna Anna de Maria Grazia Schiavo, uniquement préoccupée de décibels. En Donna Elvira, Josè Maria Lo Monaco présente une voix acide, aux aigus tirés et comme décollés du reste de sa tessiture, mais parvient néanmoins à nous émouvoir.

Sarah Defrise est une mignonne Zerlina, mais qui manque de longueur de souffle. Pierre Doyen, son Masetto, incarne un jeune homme viril, plaisant, et joliment timbré. On n’ose plus présenter à nos lecteurs l’élégant ténor qu’est Maxim Mironov. L’interprète apporte à Don Ottavio toute sa science vocale, sa solidité technique et son goût des variations lors des reprises.

La sensation vient de Davide Luciano dans le rôle-titre. L’acteur est habile : son séducteur est attrayant, sexy autant qu’il est possible. La voix est puissante, bien timbrée, et pourtant capable des moindres nuances (une « Sérénade » pianissimo, à fleur de lèvres !).

Dans la série des déceptions, le sextuor final n’est pas donné, si bien que la musique se clôt sur le hurlement de Don Giovanni et celui de Leporello. Ce n’est pas une décision de chef, car il en était déjà ainsi, il y a six ans. On sait que ce choix est parfaitement valable, et qu’il a fait partie de certains remaniements de Mozart ; il n’empêche qu’il laisse une cruelle impression d’inachèvement, à l’aune de la majeure partie de la soirée.

CATHERINE SCHOLLER


© OPÉRA ROYAL DE WALLONIE-LIÈGE/JONATHAN BERGER

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