Opéra National de Lorraine, 24 avril
Cette belle mise en scène de Fortunio, signée Denis Podalydès, sociétaire de la Comédie-Française, a été créée à l’Opéra-Comique, en 2009 (voir O. M. n° 48 p. 61 de février 2010), avant d’y être reprise et filmée, en 2019 (voir O. M. n° 158 p. 58 de février 2020 & n° 167 p. 67 de décembre 2020 pour le DVD, publié par Naxos). On la retrouve avec plaisir à l’Opéra National de Lorraine, son coproducteur, reprise avec soin par Laurent Delvert.
Nous ne reviendrons pas sur le spectacle, sinon pour souligner à quel point la direction d’acteurs, les décors, les costumes et les lumières mettent pleinement en valeur cette « comédie lyrique » (Paris, 1907), à la fois souriante et mélancolique.
Dans la distribution, figurent plusieurs artistes déjà présents, Salle Favart, il y a trois ans. Ainsi d’Anne-Catherine-Gillet, en grande forme, qui habite le personnage de Jacqueline dans toutes ses contradictions et ses transformations, de Franck Leguérinel, offrant en Maître André l’une de ces incarnations réjouissantes dans lesquelles il excelle, de Philippe-Nicolas Martin, excellent Landry, de Luc Bertin-Hugault, Maître Subtil plein de relief, ou encore de Thomas Dear, solide De Verbois.
Pierre Derhet, qui jouait D’Azincourt, en 2019, succède à Cyrille Dubois dans le rôle-titre. La souplesse et le raffinement de sa ligne de chant, sa diction précise et claire, ses envolées vers l’aigu, sa présence scénique sincère, conviennent idéalement à Fortunio. Son interprétation touchante de l’adolescent naïf et maladroit des premières scènes bascule, progressivement, vers l’incarnation enflammée du jeune homme violemment épris de la ravissante Jacqueline. Même si la voix du ténor belge manque encore un peu de volume, le charme opère.
À l’Opéra-Comique, Clavaroche était confié – en 2009, comme en 2019 – à l’excellent Jean-Sébastien Bou. Pierre Doyen relève le défi avec talent, son baryton mordant rendant pleine justice à ce militaire bravache, collectionneur de jolies femmes.
Nouvelle venue, également, dans la production – elle succède à Louis Langrée –, Marta Gardolinska, directrice musicale de l’Opéra National de Lorraine depuis janvier 2021, confirme ses affinités avec le répertoire français, quatre mois après sa Carmen, à Strasbourg (voir O. M. n° 179 p. 65 de février 2022). Expressive, pleine d’allant, soucieuse de mettre en valeur les raffinements de l’orchestration, la baguette de la cheffe polonaise déroule un élégant tapis sonore sous les pieds des interprètes.
JOSÉ PONS