Opéras Exceptionnel Tannhäuser à Bayreuth
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Exceptionnel Tannhäuser à Bayreuth

26/09/2023
Deuxième acte de Tannhäuser. © Bayreuther Festspiele/Enrico Nawrath

Festspielhaus, 20 août 2023

Parmi les reprises de l’été 2023, à Bayreuth, la plus alléchante était, très certainement, celle de Tannhäuser. D’abord, pour les débuts au Festspielhaus de Nathalie Stutzmann. Ensuite, pour une distribution en grande partie renouvelée, par rapport à la création de la production, en 2019 (voir O. M. n° 154 p. 30 d’octobre).

La cheffe française, disons-le d’emblée, nous a ébloui par sa maîtrise de l’acoustique si particulière de la salle et par sa manière de ne faire qu’un avec l’orchestre maison. Deuxième femme, dans l’histoire du Festival, à descendre dans la fosse (après Oksana Lyniv dans Der fliegende Holländer, depuis 2021), Nathalie Stutzmann impose une lecture éblouissante de sensualité et de justesse, dans les tempi comme dans les équilibres sonores.

Dès la célébrissime Ouverture, le spectateur est happé par un récit d’une cohérence implacable, qui culmine, à notre avis, dans le grand concertato du deuxième acte (« Ein Engel stieg aus lichtem Äther »), conduit avec un sens du suspens insoutenable. Les ovations qui l’accueillent aux saluts (c’est elle qui en recueille le plus !) sont plus que largement méritées.

De la distribution d’origine, il ne reste que Markus Eiche, Wolfram à la voix plus sèche qu’en 2019, mais musicien toujours souverain, et Jorge Rodriguez-Norton, excellent Heinrich. Au sein des nouveaux chevaliers, se détache le remarquable ténor sud-africain Siyabonga Maqungo, membre de la troupe du Staatsoper Unter den Linden de Berlin, dont le timbre charmeur et l’émission haut placée illuminent les ensembles. Si Günther Groissböck est un Landgrave aussi somptueux que Stephen Milling, Ekaterina Gubanova, en Venus, s’avère vocalement préférable à Elena Zhidkova, sans la faire oublier sur le plan scénique.

Les deux sensations de la soirée restent Elisabeth Teige et Klaus Florian Vogt. Assumant la difficile succession de sa compatriote Lise Davidsen, en Elisabeth, la soprano norvégienne (également à l’affiche de Der fliegende Holländer et Die Walküre, cet été !), une fois stabilisé un vibrato trop prononcé, à l’attaque de « Dich, teure Halle », impressionne par la richesse et la puissance de l’instrument. Se jouant des obstacles avec une facilité déconcertante, notamment dans l’aigu, aussi glorieux dans le piano que le forte, elle démontre de merveilleuses capacités d’émotion dans la prière « Allmächt’ge Jungfrau ».

Le ténor allemand, enfin, passé la surprise d’entendre une voix aussi claire et haut placée dans le rôle-titre, cloue le spectateur dans son siège. Car, chez lui, clarté n’est pas synonyme de légèreté, bien au contraire. Solide, stable et endurant comme le roc, son Tannhäuser lance des « Erbarm dich mein ! » aussi déchirants que ceux de Wolfgang Windgassen jadis, à la fin du II, avant de délivrer un III de bout en bout bouleversant. L’acteur s’est, de surcroît, admirablement intégré dans une production construite autour de Stephen Gould, pour un résultat absolument renversant.

Dans la tradition de Bayreuth, Tobias Kratzer a eu la bonne idée, en quatre ans, d’élaguer dans un spectacle trop chargé, trop surligné, trop trivial parfois. Retravaillé, notamment dans son traitement d’une vidéo omniprésente, le I se hisse désormais quasiment au niveau du II, toujours aussi exceptionnel.

Quant au III, qui nous avait hérissé le poil, on en perçoit enfin la cohérence avec ce qui a précédé, jusqu’à une très belle image finale : Tannhäuser prenant dans ses bras le corps d’Elisabeth, comme dans une Pietà de la Renaissance. Du coup, le choix de situer l’action dans une décharge publique passe mieux – même si cela ne sera jamais notre tasse de thé ! Dommage que Tobias Kratzer n’en ait pas profité pour supprimer la ridicule copulation entre Wolfram et Elisabeth, à l’arrière de la camionnette…

RICHARD MARTET

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