Opéras Elias vise plutôt juste à Lyon
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Elias vise plutôt juste à Lyon

09/01/2024
Derek Welton (Elias). © Bertrand Stofleth

Opéra, 17 décembre

Lors de la création de cette production à Vienne, au Theater an der Wien, en février 2019 (voir O. M. n° 149 p. 63 d’avril), Mehdi Mahdavi avait souligné à quel point Calixto Bieito avait visé juste, en exploitant le rapport des peuples contemporains à leurs dirigeants, dans nos démocraties occidentales malades, la foule détruisant, dès le lever de rideau, une église en carton, avec une joie mauvaise, jusqu’à en dévorer certains morceaux.

La révolte des masses tient, ici, d’une jacquerie,  où les intérêts contradictoires de chacun justifient les volte-face permanentes du chœur, dans l’oratorio de Mendelssohn. Mais pourquoi, avec ce concept assez fort en soi, en rajouter dans les postures répétitives des choristes et solistes féminines, l’air névrotique, dans un mode d’expression souvent binaire, soit les bras en l’air, en prière, soit le poing levé, en signe de manifestation ?

Derek Welton a une approche plus vocale que littéraire du rôle-titre : à l’inverse du créateur de la production, Christian Gerhaher, chez qui le geste musical partait, semble-t-il, du mot, le baryton-basse australien sculpte son Elias, d’abord, sur le son. Et de lancer sa première prophétie, qui précède génialement l’Ouverture, à pleins poumons, avec un vibrato large, presque lâche, qui se fera, par la suite, moins envahissant.

Ce timbre cuivré, noir et brillant à la fois, laisse une forte empreinte, bien que Derek Welton survole souvent tout le panel de nuances, entre pianissimo et pleine voix, et que ses grands aigus de la deuxième partie soient attaqués légèrement par-dessous.

Chez les dames, on retiendra davantage le magnifique arioso précédant le miracle de la pluie de la mezzo britannique Beth Taylor, d’un frémissement de la matière transcendé par une déclamation donnant à chaque mot un poids inouï, que les interventions bien vertes de la soprano allemande Giulia Scopelliti, peu aidée, il est vrai, par un jeu de scène n’appelant guère à la sérénité vocale.

Personnage principal de la partition, le chœur trouve en celui de l’Opéra de Lyon, le meilleur candidat de France pour l’exercice. Au sommet depuis une vingtaine d’années, il a toute la puissance requise, mais aussi des qualités moins souvent associées à l’opéra – réactivité rythmique, homogénéité, souplesse des nuances.

Les cuivres de l’Orchestre de l’Opéra de Lyon manquent parfois un peu de noblesse, sous la direction assez traditionnelle du chef allemand Constantin Trinks, qui s’épanche dans les épisodes solennels, étirant la durée de l’oratorio jusqu’à deux heures et vingt minutes, sans manquer de flamme dans les scènes de turba, quoique plus cossues que vraiment tranchantes dans la fosse.

YANNICK MILLON

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