Opéras Don Pasquale comme à la télé à Nancy
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Don Pasquale comme à la télé à Nancy

05/01/2024
Vuvu Mpofu (Norina). © Opéra National de Lorraine/Jean-Louis Fernandez

Opéra National de Lorraine, 19 décembre

Venu du monde de la comédie musicale et du théâtre, Tim Sheader a voulu remettre Don Pasquale (Paris, 1843) au goût du jour, en le transposant dans l’univers des séries télévisées. Sa mise en scène – inspirée, d’après la note d’intention, de Succession – fait du rôle-titre un grand patron, vivant dans l’obsession de l’âge, et dont l’héritage semble très convoité.

Ernesto, son neveu, est un jeune homme branché et rêveur, légèrement ridicule, musicien à ses heures, qui fait son apparition en trottinette, casque sur les oreilles ; Norina, de son côté, est une technicienne de surface, au sein de l’équipe qui entretient les bureaux de l’entreprise Pasquale, où travaillent des clones en costumes-cravates, rivés à leurs ordinateurs ; enfin, Malatesta, le bras droit du patron, manipule tout ce petit monde.

S’il suggère, au I, une liaison entre eux, le metteur en scène nous montre, finalement, Norina se refusant aussi bien à Ernesto qu’à Malatesta, ce qui laisse, évidemment, le spectateur perplexe sur la suite de l’affaire.

Au fond, tout cela, déjà potentiellement dans le livret, avait déjà été exploité, avec une tout autre finesse, dans des productions antérieures. La modernisation tient, surtout, dans ce double décor de building d’affaires et de luxueuse demeure du vieux célibataire, monté sur une tournette, et qui laisse voir les coulisses de l’intrigue.

À ce pseudo-réalisme, s’ajoutent, au II, un décor totalement kitsch, dominé par un énorme sapin de Noël, et l’improbable apparition de chœurs habillés en lutins roses, clin d’œil farfelu à la période des fêtes, tout comme ces deux bonhommes de neige gonflables, au dernier tableau, qui amusent beaucoup le public.

Dès lors, l’intérêt se porte, surtout, sur une distribution très homogène et de tout premier plan. Dans le rôle-titre, Lucio Gallo concilie efficacement caractérisation et chant, avec un baryton sombre et bien timbré, qui donne toute sa dimension à son personnage de sexagénaire encore vigoureux.

Lui répond la brillante Norina de Vuvu Mpofu, timbre corsé et technique impeccable, à qui on souhaiterait, parfois, un peu plus de légèreté. Trop volontaire pour être crédible en oie blanche, les scènes où se révèle la dominatrice lui conviennent nettement mieux.

De son baryton puissant et souple, German Olvera s’impose en Malatesta, rivalisant de virtuosité avec Don Pasquale, dans leur fameux duo du II. La bonne surprise vient de Marco Ciaponi (remplaçant Michele Angelini, pour l’ensemble des représentations). Authentique tenore di grazia, au chant raffiné et au timbre séduisant, chacune de ses interventions nous ramène au plus pur bel canto, avec un usage subtil de la voix mixte et des nuances de grand style.

La réussite de la soirée doit beaucoup à Giulio Cilona. Sa direction précise et énergique, qui permet aux chanteurs de nombreuses cadences, appoggiatures et ornements, renouvelle l’intérêt de Don Pasquale, plus que ne le fait la production.

ALFRED CARON

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