Opéra, 12 novembre
La mise en scène de Mireille Delunsch, créée à l’Opéra National de Bordeaux, en 2013, a, depuis, été présentée à plusieurs reprises (voir, en dernier lieu, O. M. n° 194 p. 64 de juillet-août 2023). Nous n’y reviendrons pas, sinon pour rappeler à quel point cette lecture, à la fois précise et épurée, sert le chef-d’œuvre de Bernanos et Poulenc, en éclairant tous ses aspects.
La distribution, en revanche, est nouvelle. Avec le temps, l’interprétation de Marianne Croux, qui chante sa première Blanche de la Force, gagnera à être approfondie et mieux caractérisée. Pour l’instant, son incarnation est un peu neutre, comme si elle se montrait prudente face à un personnage aussi tourmenté. Vocalement, Marianne Croux a les moyens d’un soprano lyrique assez puissant, mais le grave est assourdi, et facilement dominé par l’orchestre.
Déjà présente à Bordeaux, au printemps dernier, Patrizia Ciofi partage ce défaut en Madame Lidoine, dont le manque de charisme surprend. Sa première intervention semble presque anodine et Mère Marie s’impose, naturellement, comme la véritable supérieure de la maison.
Dans ce rôle, Ahlima Mhamdi possède un fort tempérament dramatique, qui rend bien compte du caractère complexe de la religieuse. L’instrument est important, avec une assise grave de qualité, et un registre aigu épanoui.
Fort tempérament, encore, chez Marie-Ange Todorovitch. Dans une forme vocale toujours enviable, elle propose un portrait très humain de Madame de Croissy, sans trop d’excès expressionnistes, à l’approche de la mort.
On admire sans réserve, enfin, la Sœur Constance, certes moins exposée, de Sheva Tehoval. La légèreté de sa voix et le charme de son timbre, ainsi que son jeu très expressif, font de chacune de ses apparitions un rai de lumière dans les ombres de l’intrigue.
Bien que l’ouvrage soit essentiellement féminin, les personnages masculins requièrent de solides atouts. En Chevalier, Kévin Amiel est un modèle d’élégance, et de diction – tout le monde ne peut, hélas, en dire autant ! –, un peu léger, sans doute, mais bien projeté. Et l’on peut compter sur André Heyboer, baryton toujours très sûr, pour donner du corps au Marquis, dès la première scène.
Tous les rôles secondaires sont bien tenus, avec une mention spéciale pour l’Aumônier d’Éric Huchet. Quant aux magnifiques pages chorales, elles permettent d’apprécier les qualités jointes de l’Atelier Lyrique de l’Opéra de Massy et de Chœur en Scène.
En fosse, José Miguel Pérez-Sierra tire le meilleur de l’Orchestre National d’Île-de-France, avec une précision absolue, quoique sans la moindre rigidité. Comme il sied chez le dernier Poulenc, le son est velouté, sensuel, mais sait aussi mettre en évidence les tensions de la partition.
JACQUES BONNAURE