Opéras Des Enfers Second Empire à Lausanne
Opéras

Des Enfers Second Empire à Lausanne

08/01/2024
Samy Camps (Orphée). © Jean-Guy Python

Opéra, 23 décembre

Quasiment trois heures de plaisir ininterrompu : aussi bien musicalement que théâtralement, la réussite de cette coproduction de l’Opéra de Lausanne, avec l’Opéra de Tours et l’Opéra National Capitole Toulouse, où elle sera présentée la saison prochaine, est complète.

Mettant en valeur le livret satirique d’Hector Crémieux et Ludovic Halévy, Olivier Py mêle joyeusement, dans un « théâtre dans le théâtre » correspondant aux intentions des auteurs, Antiquité et Second Empire.

Habituel complice du metteur en scène, Pierre-André Weitz ne se soucie pas de respecter les lieux indiqués dans les didascalies. Il dresse un mur noir, où apparaissent les loges des divettes, puis celles des spectateurs, en frac et haut-de-forme.

Ainsi, les costumes, très réussis, montrent une prédilection pour les dames en guêpières et jarretelles, toujours prêtes à lever la jambe pour un cancan. Si les messieurs sont plus classiques – quoiqu’ils aient tendance à tomber la veste –, les cinq danseurs et les cinq danseuses en petite tenue se chargent du côté polisson, que les clins d’œil du livret ne se privent pas de souligner.

Pendant qu’Olivier Py maintient le rythme endiablé imposé par le compositeur, Arie van Beek dirige l’orchestre Sinfonietta de Lausanne, avec une vivacité qui fait merveille. Les deux versions de l’œuvre – l’« opéra-bouffon » de 1858 et l’« opéra-féerie » de 1874 – sont mises à contribution, interprétées par une distribution aussi nombreuse qu’idéale.

Les bras entièrement décorés de tatouages, Samy Camps est un Orphée plein de fougue, à la voix d’une envergure qu’on n’associe pas forcément à ce répertoire, et qui fait le meilleur effet ici. Marie Perbost incarne la plus gracieuse des Eurydice, avec des aigus pleins d’assurance.

Nicolas Cavallier se montre d’une grande drôlerie en Jupiter, arborant la fière moustache et l’uniforme de Napoléon III. Sa Junon en crinoline est Carole Meyer, impératrice trop séductrice.

Pour camper l’Opinion publique, Olivier Py s’est souvenu des dames versaillaises qui manifestaient contre le mariage pour tous… L’impayable Sophie Pondjiclis arbore serre-tête, foulard Hermès, jupe droite et trench-coat ; mais à la fin, elle aussi se retrouve en tenue légère !

Avec sa perruque carotte ébouriffée et sa faconde, Frédéric Longbois est un cocasse John Styx. L’Aristée/Pluton de Julien Dran apparaît, d’abord, en salopette, comme les vrais machinistes qui s’affairent sur le plateau, puis devient citoyen de l’Olympe, sans rien perdre de son assurance pince-sans-rire.

La soprano Yuki Tsurusaki est un Cupidon insolent, tandis qu’Hoël Troadec incarne Mercure – mais, au lieu d’être habillé en messager des dieux, il porte un uniforme de pioupiou ! Aslam Safla campe un Mars belliqueux, vêtu d’un slip panthère. Quant à Clémentine Bourgoin, Béatrice Nani et Emma Delannoy, respectivement Diane, Vénus et Minerve, elles sont aussi plaisantes à contempler qu’à écouter. Enfin, le Chœur de l’Opéra de Lausanne chante et joue avec brio.

Gageons qu’un spectacle aussi réussi sera repris par d’autres maisons que les trois, citées plus haut, qui en sont à l’origine.

BRUNO VILLIEN

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