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Cendrillon émerveille l’oreille à Lausanne

01/05/2024
Ruzan Mantashyan (Cendrillon). © Jean-Guy Python

Opéra, 14 avril

Cendrillon de Massenet fait son entrée au répertoire de l’Opéra de Lausanne, avec la reprise d’une production de l’Opéra National de Lorraine, créée en décembre 2019 (voir O. M. n° 158 p. 55 de février 2020). Nous ne reviendrons pas sur la mise en scène de David Hermann, sinon pour regretter, à nouveau, l’absence de tout élément magique, dans ce spectacle présentant la Fée comme une sorte de SDF en chef, commandant à une cour de clochardes.

Heureusement, l’émerveillement qu’on nous refuse pour l’œil, notre oreille pourra le trouver dans une réalisation musicale soignée. La direction, à la fois sûre et inspirée, de Corinna Niemeyer domine tous les paramètres de cette partition délicate, sachant tirer de l’Orchestre de Chambre de Lausanne une étincelante palette de couleurs, et tenir d’une main de fer l’équilibre entre la fosse et le plateau – ce dernier presque entièrement renouvelé, depuis Nancy, et où tous, ou presque, débutent dans leurs rôles.

Cendrillon trouve, avec Ruzan Mantashyan, une interprète aussi engagée que convaincante. Son soprano lyrique, au médium corsé, délivre un aigu lumineux et facile, mais aussi d’une certaine largeur, dans les passages les plus dramatiques. Et il sait s’alléger pour les quelques pyrotechnies de son grand air du III, conférant à l’héroïne un profil moins fragile et plus volontaire que souvent. Notre seule réserve concernerait le français, pas toujours très compréhensible.

Ambroisine Bré se révèle épatante en Prince : son joli mezzo léger est, parfois, couvert dans les duos avec Cendrillon, mais cet ado boudeur, en quête d’absolu, est d’une totale crédibilité physique, avec une fébrilité d’accent, une hardiesse de projection, qui font mouche. La Fée d’Anne Sophie Petit impressionne par sa sûreté technique – impeccables vocalises et piqués, suraigus filés –, même si le médium paraît un peu artificiel.

Seule déjà présente, lors de la création nancéienne, Doris Lamprecht continue à faire preuve d’un abattage formidable en Madame de la Haltière. Mais est-ce pour compenser l’usure de l’instrument, demeuré énorme à ses deux extrémités, mais désormais assez éteint dans le centre de la tessiture, que la caractérisation est aussi peu subtile ?

Un travers que l’on trouve, également, chez Nicolas Cavallier, Pandolfe certes très efficace, mais volontiers tonitruant, dans ses premières interventions. Il faut attendre la seconde partie, pour qu’il consente à descendre en dessous du forte, afin de dessiner le portrait plus nuancé d’un père émouvant dans son humanité.

Saluons, enfin, la fidélité d’Éric Vigié, qui quittera, fin juin, la direction de l’Opéra de Lausanne, à sa politique consistant à puiser dans le vivier de l’HEMU, pour maints seconds rôles. On remarque, particulièrement, les demi-sœurs de Cendrillon, chipies à souhait : la soprano Aurélie Brémond et la mezzo Julia Deit-Ferrand.

Une belle reprise, pour une entrée au répertoire réussie.

THIERRY GUYENNE

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