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Opéras

Anna Bolena à la hauteur des attentes à Amsterdam

06/06/2022

De Nationale Opera, 21 mai

Zurich, Genève, et maintenant Amsterdam : la trilogie des « reines Tudor » de Donizetti a le vent en poupe, confiée, sur trois saisons, aux mêmes chef, metteur en scène et chanteuse  principale.

Le DNO a de beaux atouts dans son jeu, avec le même maestro qu’à Zurich (l’Italien Enrique Mazzola), le regard théâtral contemporain, mais jamais provocateur, d’une femme (la Néerlandaise Jetske Mijnssen) et, surtout, la soprano lettone Marina Rebeka en Anna Bolena, Maria Stuarda et Elisabetta (Roberto Devereux). Rien d’étonnant, dès lors, à ce que ce premier volet de la trilogie – en coproduction avec le Palau de les Arts « Reina Sofia » de Valence et le Teatro di San Carlo de Naples – réponde à nos attentes.

Enrique Mazzola, à la tête d’un ductile Nederlands Kamerorkest, confirme qu’il est bien l’un des meilleurs spécialistes de ce répertoire aujourd’hui : soutien constant aux chanteurs, sens théâtral affûté, dosage parfait des équilibres sonores, gestion exemplaire des grands tableaux choraux.

Le plateau est de haut vol, à commencer par l’Enrico de la basse roumaine Adrian Sampetrean, voix homogène, bien projetée, au métal brillant et capable d’une riche palette de nuances. Même si son timbre n’est pas toujours des plus séduisants, le ténor espagnol Ismael Jordi, fort de sa longue expérience de Donizetti, campe un solide Percy, aux côtés de seconds rôles sans reproche.

La mezzo italienne Raffaella Lupinacci appelle, en revanche, quelques réserves, Giovanna généreuse, mais à l’intonation parfois incertaine dans les duos. Quant à Marina Rebeka, elle est, de bout en bout, impressionnante, notamment par sa capacité à maîtriser les passages les plus virtuoses du rôle-titre, en conservant la rondeur et la densité du timbre, et par sa manière de distiller de délicats sons filés dans sa grande scène finale.

Seul bémol à notre enthousiasme : un engagement théâtral qu’on voudrait plus absolu. Est-ce le légitime souci de contrôler sa ligne de chant qui empêche Marina Rebeka de s’abandonner totalement ? Ou cette pointe de réserve est-elle la conséquence du parti pris de sobriété affiché par la mise en scène ?

Jetske Mijnssen opte, en effet, pour une lecture d’un grand classicisme, nourrie des clairs-obscurs de la peinture hollandaise du Siècle d’or. Refusant tout anachronisme et tout effet facile (même si on aurait pu se passer des chorégraphies du début), elle se concentre sur la direction d’acteurs, avec une probité qui pourrait, au premier coup d’œil, passer pour de l’académisme. Sauf que chaque personnage est doté d’une vraie substance.

Très loin de la posture marmoréenne des célèbres portraits d’Holbein, Enrico est ainsi un homme encore jeune, séduisant, doté d’un fort appétit sexuel (il ne cache pas ses étreintes avec Giovanna), mais également le père attendri – et attendrissant – de la petite Elisabetta. Qui, et c’est devenu une habitude dans les mises en scène actuelles d’Anna Bolena, apparaît ici comme une figure à la fois silencieuse et omniprésente.

Les splendides décors modulables de Ben Baur jouent, eux aussi, sur la simplicité et l’élégance : une pièce unique occupant toute la largeur du plateau, ouverte à cour et jardin, pour les entrées et sorties des chanteurs, avec cinq portes au fond, qui apparaissent au gré des mouvements d’un mur coulissant. Ce dispositif permet tantôt d’approfondir la perspective, tantôt de renforcer le sentiment d’enfermement. En facilitant, au passage, la transition de l’image publique à la sphère intime.

NICOLAS BLANMONT


PHOTO © DUTCH NATIONAL OPERA/BEN VAN DUIN

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