Créée en 2009, reprise l’an dernier (voir O. M. n° 158 p. 58 de février 2020), cette production avait traversé le temps sans le moindre dommage. Inutile de dire que le DVD qui en conserve le souvenir, réalisé les 14 et 16 décembre 2019, est le bienvenu.
Filmée avec élégance par François Roussillon, la mise en scène de Denis Podalydès, sociétaire de la Comédie-Française, séduit par sa fluidité et son art de créer une atmosphère – celle d’une petite ville de garnison discrètement endormie. Tout aussi évocateurs, les décors d’Éric Ruf et les costumes de Christian Lacroix frappent par leur pertinence. Tout ici n’est que justesse, y compris lorsque les situations pourraient déraper dans le scabreux.
Avec des comédiens-chanteurs aussi experts que Jean-Sébastien Bou, militaire aveuglé par sa suffisance et jouant les coqs de village au milieu des donzelles, et Franck Leguérinel, notaire vieillissant que l’on ne plaindra pas d’être cocu, théâtre et musique sont en parfaite harmonie.
En Jacqueline, Anne-Catherine Gillet passe avec maestria de la femme frustrée à l’amoureuse enflammée, et son chant est un ravissement. Cyrille Dubois est le Fortunio que l’on attendait, juvénile et charmant, timbre enchanteur et musicalité raffinée. Les nombreux seconds rôles sont irréprochables, de même que le chœur Les Éléments.
Le lyrisme, les effusions, la tendresse : l’Orchestre des Champs-Élysées trouve les couleurs les plus variées pour exprimer la palette de sentiments imaginée par Messager. La direction de Louis Langrée, ferme et souple, rend parfaitement justice à une partition plus moderne qu’on pourrait le penser, dans sa volonté d’un discours continu, et dont on peut dire qu’elle marque un tournant dans l’évolution de la musique dite « légère ».
Un nouveau succès pour l’OpéraComique : ça devient une habitude !
MICHEL PAROUTY