Les Arts florissants
Bien que l’amour… : Airs sérieux et à boire
Lambert – Couperin – Chabanceau de La Barre – Charpentier – D’Ambruys
Emmanuelle de Negri (dessus) – Anna Reinhold (bas-dessus) – Cyril Auvity (haute-contre) – Marc Mauillon (basse-taille) – Lisandro Abadie (basse)
William Christie (direction, clavecin)
1 CD Harmonia Mundi HAF 8905276
Le retour de William Christie et Les Arts Florissants chez Harmonia Mundi ne passera pas inaperçu. Car avec ces Airs sérieux et à boire, gravés en studio, en décembre 2013, ils signent à coup sûr l’un de leurs plus beaux enregistrements.
Christie a toujours eu pour ce répertoire une affection profonde – Michel Lambert était d’ailleurs le héros de l’un des premiers enregistrements de l’ensemble, paru, sauf erreur, en 1985. Trente ans plus tard, la magie opère à nouveau.
Il suffit pour cela de cinq chanteurs exceptionnels et de quatre instrumentistes (deux violons, une viole de gambe, un théorbe), guidés par le mentor qui touche, lui-même, le clavecin. En aussi belle compagnie, un univers entier se dévoile. Un monde de raffinement, d’élégance, de truculence aussi. Celui de Lambert, de Marc-Antoine Charpentier, de Joseph Chabanceau de La Barre, celui, plus tardif, d’Honoré d’Ambruys et de François Couperin.
Beaucoup de poèmes sont anonymes, ce qui n’enlève rien à leur beauté ; d’autres sont signés Jean de La Fontaine (la piquante Épitaphe d’un paresseux, mise en musique par Couperin, Tout l’Univers obéit à l’Amour, que magnifie Lambert) ou Philippe Quinault (l’adorable Chantez, petits oiseaux, Lambert encore). Imaginait-on Charpentier se lâchant la bride à tel point (irrésistibles, les Intermèdes nouveaux composés pour Le Mariage forcé de Molière et ses onomatopées délirantes) ?
Le vin peut apporter la joie. Il arrive que l’amour soit synonyme de tristesse et de mélancolie. Les bergères peuvent être infidèles, les amantes répondent au nom fleuri d’Iris (Iris n’est plus) ou de Climène (Bien que l’Amour fasse toute ma peine) – Lambert les chante si bien ! Et que dire de ce sommet de poésie, Le doux silence de nos bois d’Honoré d’Ambruys ?
On ne louera jamais assez le style, l’art de donner chair aux mots par la musique, de ces interprètes inspirés qui, sous la houlette de William Christie, affichent une complicité rayonnante. Un moment rare !
MICHEL PAROUTY