Frais, pétillant, fruité, sans la moindre acidité, ce récital procure, comme un bon vin, une ivresse douce. Il a conservé une saveur ancienne et, pour le goûter pleinement, il est indispensable de revenir quelque cent cinquante ans en arrière, à une époque où la musique d’Offenbach faisait tourner les têtes. Élégance et virtuosité, sentimentalité et esprit bouffe, conservaient alors une place de choix au menu des théâtres, cet art léger pouvant satisfaire les appétits les plus exigeants.
Tout cela, Jodie Devos et Laurent Campellone nous le laissent ressentir, grâce à un choix savoureux d’airs venus, pour la plupart, d’ouvrages tombés dans l’oubli. À côté d’extraits des Contes d’Hoffmann (les « Couplets » d’Olympia, la « Barcarolle » en duo avec Adèle Charvet) et d’Orphée aux Enfers (« La mort m’apparaît souriante » d’Eurydice), une place est ainsi réservée à des titres plus rares, comme Un mari à la porte (1859), Les Bavards (1863) ou Boule de neige (1871).
Pouvait-on, pour en révéler tout le charme, effectuer un meilleur choix que celui de Jodie Devos, dont la voix agile et racée convient idéalement à ce répertoire ? La soprano belge apporte une fraîcheur, un naturel à ce qui, sinon, se transformerait en simple exercice de bravoure pyrotechnique. Et l’émotion est bien présente (Fantasio).
Dans le texte d’accompagnement du disque, réalisé en studio, en juillet 2018, Alexandre Dratwicki, directeur scientifique du Palazzetto Bru Zane – dont la contribution a été évidemment déterminante, tant dans le choix que dans l’édition des partitions – rappelle que « c’est l’influence du piano des salons mondains, autant que le brio des violonistes de concerto, qui modèlent les lignes distinguées imaginées par Offenbach ».
Aussi bien dans l’Ouverture des Bergers (1865) que dans tous les morceaux où il accompagne Jodie Devos, Laurent Campellone sait rendre évidentes les qualités d’orchestration du compositeur.
PIERRE CADARS