Antoine Silverman (Einstein, Solo Violinist) – Helga Davis, Kate Moran (Featured Performers) – Jasper Newell (Boy) – Charles Williams (Mr. Johnson)
The Philip Glass Ensemble, dir. Michael Riesman. Mise en scène : Robert Wilson. Chorégraphie : Lucinda Childs. Réalisation : Don Kent (16:9 ; stéréo : LPCM 2.0 ; DTS Digital Surround)
2 DVD Opus Arte OA 1178 D
1976. Le Festival d’Avignon affiche la création mondiale d’Einstein on the Beach. Une reprise a lieu Salle Favart, un peu plus tard, au cours d’une tournée, une autre tournée passant par Bobigny, en 1992. À cette date, l’ouvrage est devenu mythique, vivant dans le souvenir de ceux qui l’ont vu et grâce à deux enregistrements, ces derniers quelque peu écourtés. Car l’opéra dure quatre heures et demie…
Quelle n’est pas la surprise des mélomanes quand, en mars 2012, les créateurs, Philip Glass, Robert Wilson et Lucinda Childs remettent sur le métier, pour la dernière fois, cette production légendaire, dont la tournée fait cette fois escale à Montpellier (voir O. M. n° 73 p. 41 de mai 2012) ! Le succès est à la taille de l’événement, mais nombreux sont les déçus et les frustrés, en particulier à Paris, qui ne peuvent y assister. Jean-Luc Choplin, ami personnel de Wilson, se bat donc comme un diable pour que le spectacle vienne au Châtelet, en janvier 2014. Mieux : il réussit à convaincre ses auteurs de le laisser filmer. Résultat : ces deux DVD.
Qu’on ne s’y méprenne pas : Einstein on the Beach n’a rien d’un opéra au sens classique du terme. Ses quatre actes sont constitués d’une suite de séquences séparées par des interludes, sans volonté de narration linéaire – juste des rappels d’éléments constitutifs de la vie et de la pensée du savant, les chiffres, la science et ses dérives jusqu’à l’arme nucléaire. Mais comment isoler un seul aspect du spectacle alors qu’il faut appréhender cette création comme elle a été conçue, donc comme un tout dont les parties sont difficilement séparables ?
Les textes parlés de Samuel M. Johnson, Lucinda Childs et Christopher Knowles, la partition et les lyrics de Philip Glass, la mise en scène, les décors et les lumières de Robert Wilson, la chorégraphie de Lucinda Childs, les costumes de Carlos Soto, aucune composante de ce gigantesque poème musico-dramatique n’a de sens sans les autres. De là vient la fascination visuelle et auditive éprouvée – Richard Martet, dans son compte rendu des représentations montpelliéraines, avait bien raison de parler d’« effet littéralement hypnotique ».
Voilà qui remet bien des choses en ordre, et en particulier l’image de Philip Glass en France, compositeur regardé de haut par les tenants d’une musique contemporaine pure et dure.
Deux questions se posaient, toutefois : comment le passage à l’image s’effectuerait-il ? Et comment les spectateurs, qui ne demeureraient sûrement pas quatre heures face à leur écran, réagiraient-ils ? Réponse positive dans les deux cas.
Le travail sur l’image de Don Kent est époustouflant, la variété des plans, des plus larges aux plus rapprochés, ne laisse rien ignorer de l’espace scénique et permet d’apprécier le talent des chanteurs-danseurs-acteurs (les cinq principaux sont absolument fabuleux). Compte tenu de la longueur de l’ouvrage, Wilson avait laissé au public la possibilité d’entrer et de sortir de la salle à volonté ; chez soi, le problème se résout de lui-même.
Pas d’hésitation, donc : cette publication est à marquer d’une pierre blanche. Einstein on the Beach marque une date dans l’histoire du théâtre musical ; un OVNI aussi merveilleux, on n’est pas près d’en voir un autre !
MICHEL PAROUTY