Mozart – R. Strauss – Brahms – Puccini – Schubert – Dowland – Arne – Morley – Haendel – J. Strauss – Humperdinck – Verdi – J. S. Bach – G. Charpentier – Beethoven – Bizet – Wagner – Medtner – Schumann – Wolf – Trad.
5 CD Warner Classics 0190295955175
Voici tout juste un an, Warner Classics réunissait, en un coffret de 31 CD, l’ensemble des récitals gravés par Elisabeth Schwarzkopf entre 1952 et 1974 (voir O. M. n° 112 p. 15 de décembre 2015). Mais le parcours discographique de l’une des cantatrices les plus fameuses de la seconde moitié du XXe siècle avait commencé bien avant.
Découverte à Vienne par le producteur Walter Legge, à la recherche de jeunes talents, la soprano allemande grave ses premiers 78 tours en 1946. Les cinq disques réunis dans ce nouveau coffret suivent son évolution jusqu’en 1952. Certaines pages avaient déjà été éditées en compact, entre autres dans les Unpublished Recordings recueillis par Testament avec l’approbation de la cantatrice et de Walter Legge, son producteur et mari.
Les grandes lignes du répertoire sont en partie esquissées : Bach, Mozart, le lied – Schubert, Schumann, Brahms, Wolf, qu’elle défendra avec acharnement. L’opéra occupe une place secondaire : des rôles mozartiens qui ne seront pas les siens (Aminta d’Il re pastore, paré d’une cadence inattendue) ou qu’elle abandonnera (Pamina, Konstanze) ; de même pour les rôles italiens, de Puccini (Mimi, Liù) ou de Verdi (Violetta).
Dès les années 1950, Sophie dans Der Rosenkavalier, ici en duo avec l’Octavian d’Irmgard Seefried, aura cédé la place à la Maréchale, puis à la Comtesse de Capriccio, et l’autre Comtesse, celle des Nozze di Figaro, sera, avec la Fiordiligi de Cosi fan tutte, l’une des incarnations les plus fameuses de Schwarzkopf.
Insolites, des airs que l’on n’attend pas : celui de Micaëla dans Carmen, « Depuis le jour » de Louise, chantés dans un français compréhensible mais faisant un sort à chaque syllabe, en laissant de côté la moindre incarnation du personnage. Insolite, aussi, et très distinguée, la Brangäne de Tristan und Isolde, aux côtés du Marke de Ludwig Weber.
En cette fin des années 1940, la voix surprend : relativement légère, agile jusque dans l’aigu (les notes extrêmes ne sont pas, toutefois, d’une justesse irréprochable), on reconnaît là l’influence du travail effectué avec Maria Ivogün – encore que certaines vocalises, dont celles de l’« Alleluja » de la Cantate BWV 51 de Bach, sont liées d’une curieuse manière, droite et sèche.
Le phrasé, rigoureux, possède déjà cette qualité instrumentale qui restera l’une de ses caractéristiques, la beauté sonore se développe au fur et à mesure que la voix trouve sa juste place et s’enrichit. Comment nier, enfin, qu’est évident ce souci de perfection – la chasteté de la ligne musicale mozartienne et la rigueur qui sied à Bach – qui, sans doute à l’insu de l’artiste, sera contaminé par un maniérisme aujourd’hui bien difficile à accepter ?
Les deux derniers disques sont consacrés à la mélodie et au lied, avec quelques sucreries comme l’air traditionnel suisse Gsätzli. Prêtez bien attention aux quatorze mélodies de Nikolai Medtner (1880-1951), commandées par le maharadjah de Mysore, dont la fondation soutenait la Philharmonia Concert Society ; des miniatures aux couleurs vives, pour lesquelles le compositeur est au piano. Avec toujours cette volonté d’enrichir le mot et d’en révéler les infinies nuances à travers les irisations de la voix.
Une démarche qu’André Tubeuf, dans son texte de présentation, définit ainsi : « Peindre avec la voix. »
MICHEL PAROUTY