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Don Quichotte chez la Duchesse

23/12/2015

Boismortier

Don Quichotte chez la Duchesse

François-Nicolas Geslot (Don Quichotte) – Marc Labonnette (Sancho Pança) – Chantal Santon-Jeffery (Altisidore, La Reine du Japon) – Marie-Pierre Wattiez (La Paysanne) – Corinne Benizio (La Chanteuse espagnole) – Gilles Benizio (Le Duc, Le Japonais) – Virgile Ancely (Montésinos, Merlin, Le Traducteur) – Agathe Boudet (Première Amante) – Charles Barbier (Deuxième Amante) Le Concert Spirituel, dir. Hervé Niquet. Mise en scène : Corinne et Gilles Benizio. Réalisation : Louise Narboni (16:9 ; stéréo)

1 DVD Alpha Classics 711

Pour Le Concert Spirituel et son chef, Hervé Niquet, Don Quichotte chez la Duchesse de Joseph Bodin de Boismortier (1689-1755), brillant pastiche de la « tragédie lyrique » ramiste – tout comme Cervantès parodiait les romans de chevalerie –, est vraiment l’œuvre fétiche. Phare, pourrait-on dire, puisqu’elle figurait au programme de leur tout premier concert, en 1988, qu’ils la gravèrent ensuite pour Naxos, dans la foulée d’un spectacle joué à l’Opéra-Comique, avant d’en proposer une nouvelle production en janvier 2015, créée à Metz (voir O. M. n° 104 p. 56 de mars), dont ce DVD se fait aujourd’hui l’écho.

Le fameux duo Corinne et Gilles Benizio (alias Shirley & Dino) a réalisé un travail admirable de drôlerie et d’intelligence, tant en ce qui concerne la mise en scène que la réécriture des dialogues parlés (du livret de Charles-Simon Favart sont seulement parvenues jusqu’à nous les paroles des airs). Leur trait de génie est d’avoir imaginé que, dans ce divertissement concocté par la Duchesse (rôle parlé à l’origine), celle-ci veuille elle-même jouer et chanter Altisidore et la Reine du Japon, ce qui confère une indéniable cohérence à une intrigue par ailleurs fort décousue.

Ce spectacle coloré et décalé, mais jamais vulgaire, montre une inventivité constante, et même une grande poésie visuelle, à mi-chemin entre Monty Python, Les Branquignols et Footsbarn. La captation de Louise Narboni, réalisée en février 2015, à l’Opéra Royal de Versailles, en restitue superbement la magie ; et l’on perçoit parfaitement l’énergie de chacun, ainsi que la bonne humeur générale, régnant aussi bien sur le plateau qu’en fosse et dans la salle.

Hervé Niquet dirige amoureusement une phalange aussi virtuose que complice, s’amusant aussi à chanter, à danser, et même à jouer des castagnettes ! Gilles et Corinne Benizio ne sont pas en reste, le premier pour un Duc autoritaire, la deuxième venant en « guest star » pour un numéro de flamenco, puis une Cucaracha tout aussi improbable.

Entre Metz et Versailles, la distribution a peu changé. Si Marc Labonnette compense aisément, par sa truculence vocale et scénique, un chant pas toujours précis, on souffre, davantage que dans notre souvenir, des aigus difficiles de François-Nicolas Geslot. Brûlant les planches, Chantal Santon-Jeffery est formidable d’abattage et de drôlerie en Altisidore, à qui échoient des pièces tendres ou furieuses. Seul son air en tant que Reine du Japon, avec des variations suraiguës atteignant de périlleux contre-ut, et même un ré, la dépasse un peu. Toujours aussi étonnant, enfin, le sopraniste Charles Barbier dans le rôle de la Deuxième Amante.

Les changements par rapport à la création de Metz concernent la savoureuse Paysanne de Marie-Pierre Wattiez, la délicieuse Première Amante d’Agathe Boudet, avec ses amusantes variations jazzy, et surtout Virgile Ancely, excellent baryton-basse, bien plus convaincant que son prédécesseur.

En attendant la reprise prévue à Versailles, en juin prochain, ce DVD est à consommer sans modération, surtout en ces temps moroses.

THIERRY GUYENNE

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