Vivaldi – Jommelli – Gregori – Porpora – Caldara – Stradella – Torelli – Brevi
Accademia Bizantina, dir. Ottavio Dantone
1 CD Alpha 371
Par la profusion de ses formes, de ses styles et de ses colorations instrumentales, la musique sacrée italienne de la fin du XVIIe et du début du XVIIIe siècle mérite que l’on s’y attarde toujours un peu plus. Convaincu par l’extrême richesse de ce répertoire, le claveciniste et chef italien Ottavio Dantone accompagne, le temps d’un florilège, gravé en studio, en février 2017, la contralto française Delphine Galou.
Si le disque s’ouvre sur le fameux « Agitata infido flatu » de Vivaldi, tiré de Juditha triumphans, le programme fait la part belle aux raretés. Qui s’en plaindrait, s’agissant d’œuvres aussi diverses et aux climats sonores aussi contrastés que l’oratorio Betulia liberata de Niccolo Jommelli (le splendide « Prigionier che fa ritorno »), le motet In procella sine stella de Nicola Porpora, les Lamentazioni per il mercoledi santo d’Alessandro Stradella, ou encore les cantates Lumi, dolenti lumi de Giuseppe Torelli et O spiritus angelici de Giovanni Battista Brevi ? Outre la versatilité du traitement instrumental, c’est bien ici la variété profonde des affects qui subjugue.
Face à ce tour de force émotionnel, lequel consiste à nourrir intensément le texte sacré par le chant, Delphine Galou se révèle experte. L’inspiration dont elle fait preuve sur certaines pages est même remarquable. Il faut ainsi entendre avec quelle éloquente sobriété elle parvient à égrener les strophes de la subtile lamentation de Stradella. Le ton, le souffle et les inflexions y sont captivants. Quant au motet de Porpora et aux superbes cantates de Torelli et Brevi, elles lui permettent de faire valoir toute son expressivité et sa ferveur.
Tour à tour exaltée, pénétrante et songeuse, la voix se révèle d’une grande ductilité. À un bémol près : l’extrait de Juditha triumphans souffre d’accents trop heurtés, même si la vélocité n’est jamais prise en défaut. Rien de bien pénalisant, néanmoins, en regard des merveilles accomplies sur les autres compositions révélées au fil du disque.
Aux côtés de Delphine Galou, Ottavio Dantone est un maître d’œuvre passionné et il sait nous le faire entendre. Les cinq plages purement instrumentales (l’altier Concerto grosso op. II, n° 2 en ré majeur de Giovanni Lorenzo Gregori, la poignante Sinfonia de La Passione di Gesù Cristo Signor Nostro de Caldara) sont d’une cohésion et d’une inspiration constantes.
Sous sa direction avisée, les douze musiciens de l’Accademia Bizantina dispensent une sonorité d’une plénitude rare et contribuent à faire de cet enregistrement une vraie réussite.
CYRIL MAZIN