Amphithéâtre de l’Opéra Bastille, 23 février
La grande finale nationale du Concours « Voix des Outre-mer » – organisée, une nouvelle fois, dans un Amphithéâtre de l’Opéra Bastille bondé – marque le chemin parcouru, depuis la création de cet événement, et confirme la pérennité d’une manifestation, qui a désormais sa place dans l’écosystème musical. Ses créateurs peuvent s’enorgueillir du soutien accru de leurs mécènes, comme de l’assurance de leurs partenaires financiers et médiatiques, dont la régularité et l’accompagnement sont de vrais motifs de satisfaction.
Grâce à ces éléments indispensables, les « Voix des Outre-mer » permettent à un grand nombre d’espoirs ou de futurs talents d’être remarqués, en dehors de leurs lointains territoires, et de pouvoir, ainsi, suivre un cursus musical, ou bien de se lancer dans la carrière internationale.
Six femmes et cinq hommes ont eu la chance d’être sélectionnés et de se préparer, à Paris, dans les meilleures conditions. Accompagnés par la pianiste Kazuko Iwashima, ces parfaits autodidactes, amateurs éclairés ou déjà professionnels, âgés de 16 à 42 ans, ont tous à cœur de montrer leur détermination et de profiter de ce qu’ils considèrent, à juste titre, comme une aventure humaine unique.
Marguerite Berger, venue de Guyane, interprète un « Dove sono » (Le nozze di Figaro) court de souffle, mais vaillamment mené. Inscrite au Concours par une personne dont elle ne connaît pas l’identité, il n’est pas sûr, en revanche, que Laetitia Solère, autre soprano, originaire de La Réunion, adepte de karaoké et fan de Céline Dion, ait raison de passer au lyrique, avec ce « O mio babbino caro » (Gianni Schicchi) aux traits grossièrement soulignés.
Keylian Jaar, arrivé de Martinique, ne fait pas grosse impression dans À Chloris de Reynaldo Hahn, mélodie chantée d’une voix de contre-ténor frêle, à la justesse plus que relative. Dans le même registre, Keyvan Liufau Bui Ngoc, venu de Nouvelle-Calédonie, aborde, du bout des lèvres, le célèbre « J’ai perdu mon Eurydice » (Orphée et Eurydice). Malgré ses efforts et son capital sympathie, l’apprenti baryton Joshua de Lizaraga, natif de Saint-Pierre-et-Miquelon, se montre d’une grande fragilité, dans la Chanson de la mort du Don Quichotte d’Ibert.
Respectivement originaires de Guadeloupe et de Martinique, Angerick William, baryton devenu, en quelques semaines, contre-ténor – aux aigus parfois métalliques et à l’émission encore droite, dans « Ombra mai fu » (Serse) –, et Julienne Mahailet, soprano très à l’aise dans un « Il est doux, il est bon » (Hérodiade) sensuel et fougueux, reçoivent, l’un et l’autre, une Mention d’encouragement.
Le Prix du Public récompense la mezzo Alice Ferrière, venue de La Réunion, pour une « Habanera » (Carmen) précautionneuse, un peu trop articulée, mais sans effet indésirable. Représentant Mayotte, la soprano Yvanna Burel, 16 ans seulement, repart, quant à elle, avec un Prix « Jeune Talent » amplement mérité, après un « Summertime » (Porgy and Bess) projeté avec assurance.
Déjà finaliste, lors de la précédente édition du Concours, Winona Berry, mezzo au timbre clair, coloré et plein d’allant, se voit attribuer le Prix « Voix des Outre-mer », après s’être lancée, avec un bel aplomb, dans l’air de Stéphano, « Que fais-tu, blanche tourterelle ? » (Roméo et Juliette), mettant ainsi à l’honneur Saint-Barthélemy.
FRANÇOIS LESUEUR