Patricia Petibon : La Traversée
1 CD Sony Classical 19439991832
Avec Patricia Petibon, il faut toujours s’attendre à sortir d’un confort trop douillet. Celle qui disait, il y a peu, dans ces colonnes, qu’elle était « une espèce d’animal qui agit beaucoup à l’instinct » (voir O. M. n° 162 p. 9 de juin 2020), n’a jamais manqué de nous surprendre, abordant – avec succès, le plus souvent – les domaines les plus inattendus, voire les plus incompatibles, à la scène comme au disque.
Son nouveau récital, enregistré en studio, en novembre-décembre 2021, ne se différencie donc pas de ceux qui l’ont précédé. Si l’on en juge par les déclarations de la soprano française, dans le livret d’accompagnement, il s’agit d’une « traversée du temps », d’une « traversée entre Éros et Thanatos », où « le passé, le présent, le futur, connectés par la transmission, forment un tout ». Voire !
Plus concrètement, et même si l’on ne saisit pas toujours la logique qui relie tel morceau à tel autre, nous découvrons un choix, plutôt original, d’airs des XVIIe et XVIIIe siècles, allant de Stefano Landi (Passacaglia della vita) à Mozart (« Tutte nel cor vi sento » et « D’Oreste, d’Aiace » d’Idomeneo), en passant par Purcell (Strike the viol, Here the deities approve), Haendel (« Furie terribili » de Rinaldo, « Se pietà » de Giulio Cesare), Rameau (« Cruelle mère des amours » d’Hippolyte et Aricie) et Gluck (« Divinités du Styx » d’Alceste). S’ajoutent à ce florilège les présences plutôt incongrues de Verdi (« Ami ! le cœur d’Hélène » des Vêpres siciliennes, dans l’original français) et Offenbach (« Ah ! que j’aime les militaires » de La Grande-Duchesse de Gérolstein).
Autant les œuvres les plus anciennes permettent à Patricia Petibon d’exprimer, sans trop de contraintes, son inventivité artistique, autant les plus récentes (à partir, disons, de Gluck et Mozart) nous la montrent certes passionnée, mais pas toujours consciente de ses limites. Ce n’est pas là une question d’intentions, mais de moyens. Le ton, que l’on voudrait noble, manque d’ampleur et d’assurance, Alceste ou Elettra (Idomeneo) exigeant une force dramatique reposant sur une voix plus ferme et plus charnue.
Partageant ses émerveillements et ses foucades, Andrea Marcon accompagne Patricia Petibon au long de cette « traversée » toujours intéressante, plus d’une fois déroutante, et, en tout cas, jamais dépendante des sentiers que l’on emprunte sans risque.
PIERRE CADARS