3 CD Château de Versailles Spectacles CVS 069
Enregistré en studio, dans la Salle des Croisades du Château de Versailles, en décembre 2021, ce premier volume de la trilogie montéverdienne, projetée par Stéphane Fuget et son ensemble Les Épopées, fait suite au concert donné, cinq mois plus tôt, au Festival de Beaune (voir O. M. n° 175 p. 35 de septembre 2021). On savoure le travail d’orfèvre de ces nouveaux espoirs du Seicento, qui dosent à la perfection volupté et tension, humour, soin du détail et sens magistral de la respiration.
La distribution a subi des changements importants. La Penelope chaleureuse d’Anthea Pichanick est remplacée par Lucile Richardot, qui dote son personnage d’une présence sculpturale. Il ne s’agit pas de pratiquer le « beau chant » (ce dont l’interprète sait faire montre), mais de faire œuvre de théâtre. Soupirs, retards, exclamations, imprécations ; dès son magistral « Di misera regina », nous sommes dans une incarnation nerveuse du recitar cantando.
Cette théâtralité domine, d’ailleurs, tout l’enregistrement, qu’il s’agisse des prétendants, cocasses et pédants, ou de leurs serviteurs (avec, au premier chef, le très comique Jörg Schneider en Iro), ou encore des dieux pontifiants (Alex Rosen, basse abyssale, qui succède à Luigi De Donato).
L’Ulisse de Valerio Contaldo chante clair et impétueux, avec plus d’une fois les intonations mélancoliques, dans ce répertoire, de Rolando Villazon (« Dormo ancora », au premier acte). Juan Sancho, succédant à Mathias Vidal, donne une vaillante sensualité à Telemaco.
Dans les seconds rôles, on prête une oreille attentive à Pierre-Antoine Chaumien en Eurimaco. Ses duetti avec la Melanto piquante d’Ambroisine Bré offrent des moments irrésistibles. Dans le Prologue, Filippo Mineccia, l’un des plus subtils contre-ténors de sa génération, apporte à l’Umana Fragilità tout ce qu’il faut d’éloquence racée.
Cyril Auvity est Eumete ; on ne peut que souligner encore l’exceptionnelle précision de sa diction. Amore puissant et clair, mais aussi Giunone ardente, Marie Perbost irradie des aigus lumineux.
Si Il ritorno d’Ulisse in patria est le moins enregistré des trois opéras de Monteverdi, cette nouvelle version augure déjà d’une intégrale qui pourrait bien marquer la discographie.
VINCENT BOREL