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Pergolesi remarquablement éloquent

21/04/2022

Pergolesi : Stabat Mater

1 CD Alpha Classics ALPHA 784

Page emblématique de la musique religieuse baroque, le Stabat Mater de Pergolesi (1736) jouit d’une discographie abondante, pour ne pas dire pléthorique. Aussi, lorsque de nouveaux interprètes choisissent de s’y confronter et d’y apposer leur marque, ils doivent, à la fois, faire preuve d’humilité et d’audace. En portant son choix sur une version pour deux voix féminines et chœur d’enfants, Julien Chauvin a vu juste et se distingue, sans conteste, de ses nombreux prédécesseurs.

Inspiré par différentes sources manuscrites, relatant plusieurs exécutions parisiennes données au fameux Concert Spirituel, entre 1753 et 1790, le chef-violoniste français nous propose de redécouvrir l’œuvre de Pergolesi dans des termes inusuels. Car, si quelques impulsions rythmiques toutes personnelles sur la partition et la prononciation gallicane du latin font tendre l’oreille, c’est bel et bien le dialogue subtil entre soprano, alto et chœur qui frappe le plus.

Il faut dire que, pour cette gravure de studio, réalisée en avril 2021, Julien Chauvin s’est adjoint le talent de deux artistes, dont les voix s’apparient à merveille : la soprano belge Jodie Devos et la mezzo française Adèle Charvet. Soliste à part entière, la Maîtrise de Radio France s’impose, elle aussi, comme une entité distincte et apporte une certaine rémanence au dolorisme versatile de l’œuvre. Saluons, à ce titre, la ductilité juvénile et la belle assise sonore des pupitres (soprano/alto) de l’institution radiophonique.

Les timbres idéalement différenciés et complémentaires des deux cantatrices offrent de réelles possibilités, en termes de couleurs, de textures et ­d’atmosphères (le véhément Cujus animam de Jodie Devos, l’anxieux Quae moerebat d’Adèle Charvet…). Dès la pénétrante introduction (Stabat Mater), la conversation fusionnelle des solistes et du chœur se révèle hypnotique, les souffles se superposant et se fondant avec une évidence tout simplement désarmante.

Le texte liturgique n’est, pour autant, jamais négligé. Chaque mot fait sens et prend son poids, chaque inflexion porte son urgence. Point culminant de l’œuvre, Quando corpus morietur s’étire, quant à lui, sur une seule et même respiration, permettant aux deux chanteuses d’atteindre un niveau de concentration suprême. Par la grâce d’ineffables entrelacs polychromes, elles sondent l’affliction avec une sobriété bouleversante et gravent indéniablement la plus belle plage du disque.

Très inspiré, Julien Chauvin galvanise, comme toujours, sa formation instrumentale. Sous la conduite de son archet, Le Concert de la Loge se montre aussi suave qu’acéré.

Le complément offre une tumultueuse Symphonie n° 49 de Haydn (« La Passione »), dont la tonalité en fa mineur fait écho à celle du Stabat Mater de Pergolesi. Une habile manière de prolonger le plaisir de ce programme d’une éloquence remarquable.

CYRIL MAZIN

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