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Les trois couronnes de Sondra Radvanovsky

21/04/2022

Sondra Radvanovsky : Donizetti, The Three Queens

2 CD Pentatone PTC 5186 970

Comment ne pas se réjouir de disposer, enfin, d’un témoignage officiel de Sondra Radvanovsky dans les trois « reines Tudor » de Donizetti, dont elle est aujourd’hui l’une des plus saisissantes interprètes (et l’une des rares à en posséder les vrais moyens) ? Certes, ne figurent ici que les scènes finales d’Anna Bolena (1830), Maria Stuarda (1834/1835) et Roberto Devereux (1837), chacune précédée de l’Ouverture de l’opéra concerné. Certes, s’agissant de la captation sur le vif d’un spectacle mis en espace au Lyric Opera de Chicago, le 1er décembre 2019 (voir O. M. n° 158 p. 45 de février 2020), on aurait préféré un DVD. Mais le résultat est là, particulièrement bienvenu dans la maigre discographie de la soprano américano-canadienne.

Dès le récitatif d’Anna Bolena (« Piangete voi ? »), dans sa prison de la tour de Londres, Sondra Radvanovsky fascine, avec ce timbre pas vraiment séduisant mais immédiatement accrocheur, et ces aspérités dans l’émission dont elle joue pour obtenir un surcroît d’expressivité. La voix met du temps à se chauffer, rebelle au pianissimo dans la cavatine (« Al dolce guidami »), en lutte avec la justesse dans la prière (« Cielo, a’ miei lunghi spasimi »), mais électrisante dans la cabalette (« Coppia iniqua »), avec une prise de risque insensée qui n’est pas sans rappeler Maria Callas, à la Scala de Milan, en 1957.

Suit Maria Stuarda, sans doute celle des trois souveraines qui convient le moins à Sondra Radvanovsky. Malgré une intonation parfois incertaine, là encore, et des trilles pas très propres – bavures qui passaient certainement inaperçues depuis la salle –, la performance vocale force le respect. Mais il y a, dans le personnage de l’infortunée reine d’Écosse et de France, un côté plaintif et victimaire auquel Montserrat Caballé et Joan Sutherland, pour ne citer qu’elles, rendaient davantage justice, en particulier dans la cabalette finale (« Ah ! se un giorno »).

Comme attendu, Elisabetta de Roberto Devereux captive, dès un récitatif impressionnant d’autorité (« E Sara in questi orribili ­momenti »). Dans la cavatine (le sublime « Vivi, ingrato »), les pianissimi n’ont pas la perfection de ceux de Montserrat Caballé, mais les accents bouleversent, avant une cabalette (« Quel sangue versato ») aussi hallucinée qu’hallucinante, marquée, là encore, par une énorme prise de risque. Comme avec Leyla Gencer ou Beverly Sills sur le vif, l’expressivité frôle parfois l’expressionnisme, mais comment résister à une incarnation aussi travaillée qu’intensément vécue ?

Les partenaires sont excellents, les chœurs et l’orchestre très corrects, sous la baguette d’un Riccardo Frizza qui connaît son affaire.

Dans la mesure où l’on voit mal une maison de disques offrir à Sondra Radvanovsky l’opportunité d’enregistrer, en studio, les trois opéras, ce double album, malgré les scories susmentionnées, est à chérir. Il surclasse le récent Tudor Queens de Diana Damrau, chez Erato, qui valait surtout pour la performance inapprochée ­d’Antonio Pappano, à la tête des forces de l’Accademia Nazionale di Santa Cecilia (voir O. M. n° 165 p. 68 d’octobre 2020).

RICHARD MARTET

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