Michael Spyres : Berlioz, Les Nuits d’été

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Bien que Berlioz ait destiné la version avec orchestre des Nuits d’été à plusieurs voix différentes, nombreuses sont les cantatrices qui ont voulu s’emparer de l’intégralité du cycle, quitte à transposer une ou plusieurs des mélodies qui le composent. Rares, en revanche, sont les chanteurs qui s’y sont risqués – au disque, on mentionnera Nicolai Gedda (Bluebell), José Van Dam (Forlane) et, plus récemment, Stéphane Degout (Harmonia Mundi) et Ian Bostridge (Seattle Symphony Media).

Voici maintenant Michael Spyres, qui a enregistré Les Nuits d’été en studio, en octobre 2021, en réussissant l’exploit de les interpréter dans les tonalités d’origine. L’exploit est rendu possible grâce à cette fameuse voix de « baryténor », qui permet au chanteur américain d’aborder des répertoires débordant les limites habituellement réservées à telle ou telle tessiture. Ainsi, après une Villanelle idéale de naturel, on a l’impression saisissante d’entendre un autre chanteur, au timbre beaucoup plus sombre, dans Le Spectre de la rose et Sur les lagunes, avant de retrouver un « vrai » ténor dans Absence.

Michael Spyres peut ainsi varier les climats à l’infini, sa parfaite maîtrise de la langue lui permettant mille nuances, toutes rendues sans effort, sans la moindre affectation, l’unité du cycle étant garantie par une extrême intelligence du texte et de la musique. De plus, il fait absolument ce qu’il veut de sa voix, qu’il détimbre au début d’Au cimetière, pour ensuite jouer de la technique mixte, et retrouver des accents plus éclatants dans L’Île inconnue.

Il y a, sans doute, plus d’intentions dans l’interprétation d’Ian Bostridge, qui joue avec bonheur de son timbre surnaturel ; il y a une plus grande sobriété dans la déclamation de Stéphane Degout, exemplaire d’élégance ; mais on touche, avec Michael Spyres, à une telle palette de couleurs et d’émotions que ces Nuits d’été remettent en cause toute la discographie.

L’orchestre y est aussi pour beaucoup, faisant davantage corps avec la voix que celui du Covent Garden de Londres, que dirigeait John Nelson dans son précédent enregistrement du cycle, avec Susan Graham (Sony Classical). On goûte la manière dont le chef américain fait entendre une clarinette désolée, à la fin du Spectre de la rose, ou des cordes acides, au début de Sur les lagunes : depuis Les Troyens (Erato, déjà), l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg est vraiment devenu, pour John Nelson, un complice admirable de chaleur et de délicatesse.

Certes, ce Berlioz n’est pas celui de François-Xavier Roth, avec Stéphane Degout, ne fût-ce que par la différence de l’instrumentarium (l’orchestre Les Siècles joue sur instruments d’époque). Mais on tient là deux espèces de modèle de ce que peut être une interprétation à la fois réfléchie et passionnée.

Harold en Italie, qui complète le disque, surprend moins, mais la direction fluide de John Nelson donne un bel entrain à la partition, l’alto solo de Timothy Ridout lui apportant un surcroît de fantaisie. Il est rare que le soliste atteigne à un tel degré de douceur, à la fin du troisième mouvement : il faut, évidemment, entendre là un splendide écho à la prestation éblouissante de Michael Spyres.

CHRISTIAN WASSELIN

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