1 DVD Cmajor 806508 & 1 Blu-ray CM 806604
Pour les 80 ans de Riccardo Muti (né le 28 juillet 1941) et sa première approche de l’opus intimidant, la Missa solemnis, donnée au Grosses Fetspielhaus de Salzbourg, à l’été 2021, avait fait événement (voir O. M. n° 176 p. 63 d’octobre). L’édition en DVD pouvait faire craindre un détournement de l’attention sur l’anecdote des visages et la matérialité du jeu instrumental. Sur ce plan, l’apport est pourtant notable, dans un filmage sobre mixant, sans autre précision, les trois concerts d’août.
Pour l’extraordinaire concentration des effectifs, d’abord, le Wiener Philharmoniker et ses incomparables solistes (occasion de rendre hommage au beau premier violon de Rainer Honeck, pour le long solo du Benedictus), visiblement tout à la dévotion de son chef préféré, tout autant que le splendide Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor.
Pour Riccardo Muti, ensuite, après n’avoir vu que de dos sa gestique toujours harmonieuse et précise : impeccablement sanglé dans son veston croisé habituel, concentré lui aussi, et toujours un œil sur la partition, étudiée de près les mois précédents. La retenue des tempi, dans les deux premières parties, cède peu à peu à un engagement puissant, mais d’abord intérieur, pour les deux suivantes, dont il tient d’une main de fer le tissu rapsodique déconcertant.
Au terme de ces près de quatre-vingt-dix minutes, l’épuisement est visible sur le visage du chef. Cet engagement personnel compte pour lui, à l’évidence. Pour le spectateur, il constitue une expérience humaine autant que musicale, qui renvoie aux grands maîtres du passé, dans la même œuvre, d’Arturo Toscanini et Otto Klemperer à Karl Böhm.
Placé opportunément devant le chœur, mais derrière l’orchestre, le quatuor de solistes n’affiche pas le vedettariat, et s’intègre volontairement à un ensemble homogène. On y distinguera, pourtant, le beau soprano de Rosa Feola et le mezzo chaleureux d’Alisa Kolosova, l’une et l’autre particulièrement émouvantes, Dmitry Korchak et Ildar Abdrazakov ne déméritant pas, par ailleurs.
FRANÇOIS LEHEL