Le Postillon de Lonjumeau, c’était l’une des Arlésiennes de l’« opéra-comique » français : on en parlait, on ne le voyait jamais. Aussi son retour Salle Favart était-il attendu. Il eut lieu en mars 2019, et ce fut un triomphe (voir O. M. n° 150 p. 58 de mai).
Efficacement filmée par François Roussillon, qui varie les angles de prises de vue pour rendre son approche plus vivante, la production ne perd rien de ses charmes. Le jeu décalé (mais pas trop) imposé à ses interprètes par Michel Fau, les décors aux couleurs saturées d’Emmanuel Charles et les costumes très chargés de Christian Lacroix (tous deux s’arrêtant aux limites du bon goût) sont les atouts de ce spectacle, dont l’exubérance bon enfant redonne de la vigueur à un répertoire que certains pensaient désuet.
Sans doute l’intrigue improbable mitonnée par Adolphe de Leuven et Léon-Lévy Brunswick ne soumet-elle pas l’auditeur à de pénibles efforts cérébraux ; mais la musique d’Adolphe Adam (1803-1856), pimpante et joyeuse, ravit par sa fraîcheur.
L’Orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie officie dans cette coproduction entre sa maison mère et l’Opéra-Comique. Sébastien Rouland le dirige avec l’entrain et la franchise d’accent qui conviennent. Les choristes -d’Accentus ont l’air de bien s’amuser, et tout autant la troupe de solistes, jusqu’aux plus petits rôles : le Bourdon faux prêtre de Julien Clément, le Louis XV sorti d’un dessin animé de Yannis Ezziadi.
Laurent Kubla met sa truculence au service de Biju, le forgeron attiré par les planches. Franck Leguérinel, toujours une valeur sûre, est un désopilant Marquis de Corcy, le (presque) « méchant » de l’histoire. Florie Valiquette est aussi charmante en paysanne délurée qu’en nouvelle riche ; le timbre est un peu pointu, mais la voix est facile et légère.
Michael Spyres, enfin, confirme sa connaissance et son amour d’un style et d’un genre qui ont encore besoin d’être défendus, même si, dans les dialogues, son élocution est encore hésitante. Son aisance vocale, son ardeur à affronter les suraigus n’ont aucune peine à séduire l’auditoire.
Michel Fau, signataire d’une mise en scène ne connaissant pas de temps mort et toujours prêt à endosser les travestissements les plus inattendus, n’a pu résister aux clins d’œil de Rose, la suivante : robe à paniers, perruque gigantesque, plumes, il est impayable.
Tous portent l’art du divertissement à son plus haut degré.
MICHEL PAROUTY