Décidément, Emmanuelle Bastet s’apprête à célébrer le centenaire de la disparition de Puccini comme il se doit. Après la reprise, en janvier dernier, à l’Opéra de Dijon, de sa Turandot, créée à l’Opéra National du Rhin, en juin 2023 (voir, en dernier lieu, O. M. n° 200 p. 52 de mars 2024), et avant celle de sa Madama Butterfly, à l’Opéra de Marseille, la saison prochaine, elle prépare, pour l’Opéra National de Bordeaux, une nouvelle production de La Bohème.
Si la metteuse en scène française était beaucoup plus familière des ouvrages de Mozart, cette « trilogie » puccinienne lui a permis de développer « un véritable amour pour cette musique ».
Dans la continuité de ce que suggère le titre du roman Scènes de la vie de bohème de Murger, dont le livret de Giacosa et Illica est tiré, Emmanuelle Bastet a choisi de représenter l’opéra comme une suite d’évocations impressionnistes sur la vie d’artiste. Elle a donc réalisé un important travail sur les atmosphères, les sensations et les couleurs, montrant comment poète (Rodolfo), peintre (Marcello), musicien (Schaunard)et philosophe (Colline) subliment leur quotidien : « Des objets triviaux, comme un frigo, peuvent alors devenir magiques. »
Les décors, signés Tim Northam, se métamorphosent ainsi, au fil des sentiments et émotions des personnages, « du réalisme à l’onirisme, et de l’extérieur à l’intime », chaque acte commençant dès la fin du précédent, « comme sous l’effet d’une mémoire embrumée et incertaine ».
Pour que cette toile impressionniste perde complètement son aspect anecdotique, les protagonistes évoluent dans un ancrage temporel tout aussi flou, « environ les cinquante dernières années », pour « donner un aspect plus large, plus symbolique, à cette histoire ».
Grâce à l’épure que cette conception universelle implique, l’équipe scénique a pu se prêter facilement au jeu du « zéro achats », expérimenté, une première fois, à Bordeaux, pour le Requiem de Mozart, mis en scène par Stéphane Braunschweig, en janvier 2023 (voir O. M. n° 190 p. 41 de mars). « Nous avons proposé une maquette avec une scénographie complète, sans avoir regardé auparavant ce qu’il y avait en stock, pour ne pas freiner notre imaginaire, et l’atelier a, ensuite, réalisé un formidable travail d’adaptation », explique Emmanuelle Bastet.
Déjà au pupitre du premier spectacle « récup’ » de la maison, Roberto Gonzalez-Monjas dirige, du 18 au 28 avril, une distribution emmenée par Caterina Sala (Mimi), Francesca Pia Vitale (Musetta), Arturo Chacon-Cruz (Rodolfo) et Thomas Dolié (Marcello), dans un Grand-Théâtre plus bohème que jamais.
ROXANE BORDE