L’Opéra Grand Avignon ouvre, le 13 octobre, le bal des sirènes de la Rusalka chlorée conçue par Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil, en accueillant la première de leur nouvelle coproduction, sous l’égide de la région PACA (ou région Sud) – avec, en plus de Marseille, Nice et Toulon, l’Opéra National de Bordeaux, où elle sera présentée dès le 8 novembre.
Si leur mise en scène du chef-d’œuvre de Dvorak s’annonce, et pour cause, moins ancrée dans le lieu de sa représentation que ce que ces adeptes de la dramaturgie in situ ont l’habitude de concevoir, les fondateurs de la compagnie Le Lab resteront néanmoins fidèles à leur univers inondé de références plastiques et cinématographiques, et à leur principe consistant à « tester le présent » de l’opéra.
La petite sirène qui souhaite devenir humaine, pour épouser le prince dont elle est tombée amoureuse, se glisse donc dans le maillot d’une adolescente pratiquant la natation synchronisée – un costume qui fait écho à la douloureuse métamorphose d’une jeune fille en femme, en proie à d’innombrables injonctions exercées sur son corps.
« Sois belle et tais-toi » n’aura jamais semblé aussi à propos qu’avec cette ondine des temps modernes, qui doit perdre la parole pour gagner sa féminité. Son père, Vodnik, arbore ainsi les traits d’un entraîneur aux cheveux blonds mi-longs, tandis que le Prince se transforme en propriétaire du club de natation, et que la pragmatique sorcière Jezibaba emprunte son costume à la femme de ménage des lieux. Un tableau fantaisiste et surréaliste aux couleurs électriques, du bleu céladon au blanc néon.
Oui, mais voilà : « Un conte de fées ne se passe pas en ville » – ni sur du carrelage aseptisé ! Bien que cette Rusalka du XXIe siècle évolue au milieu de vidéos chorégraphiques, inspirées des films hollywoodiens d’Esther Williams et d’éléments visuels absurdes à la Magritte, elle ne s’échappera pas entièrement de son environnement natal, constitué de lacs et de forêts. Des images de paysages à l’esthétique romantique, évoquant « la force tellurique de la nature sur les individus », replaceront, en effet, créatures sylvestres et aquatiques dans leur milieu d’origine.
La soprano Ani Yorentz Sargsyan (remplaçant Cristina Pasaroiu, initialement annoncée) y perdra sa voix pour la première fois, séduite, puis délaissée, par le ténor Misha Didyk, sous l’œil attentif du maestro Benjamin Pionnier.
ROXANE BORDE