Peu importe le « Trop de notes, mon cher Mozart ! » de son commanditaire, l’empereur Joseph II, Die Entführung aus dem Serail reste, de loin, le plus grand succès opératique du compositeur de son vivant. La « turquerie » imaginée pour le Burgtheater de Vienne, en 1782, conquit rapidement l’Europe, nous valant une traduction française de Pierre-Louis Moline qui, en 1799, pratiqua quelques coupures dans les dialogues.
C’est, donc, L’Enlèvement au sérail que programme l’Opéra Royal de Versailles, du 22 au 26 mai. Michel Fau, qui avait déjà incarné Sélim, au Festival de Saint-Céré, en 2006, retrouve le pacha magnanime, tout en assurant, lui-même, la mise en scène de cette nouvelle production.
« Mettre en scène et jouer en même temps ne me pose aucun problème, confie-t-il. C’est même une situation très saine, car ma mégalomanie et mon ego se calment tout de suite. Quand on est seul dans la salle, on devient paranoïaque. C’est pour cela que les metteurs en scène sont souvent compliqués, car ils ne jubilent que par procuration ! »
Tombé dans la marmite mozartienne en découvrant, adolescent, le Don Giovanni de Joseph Losey au cinéma, l’homme de théâtre a voulu repenser l’orientalisme. « Ce sérail de fantasme contient tous les délires du XVIIIe siècle autour du harem. Le rôle purement parlé de Sélim vient, pour sa part, du théâtre tragique ; il tient de Richard III, mais aussi du « méchant » dans James Bond. C’est Néron, le pouvoir qui n’arrive pas à se faire aimer.
Mon but est que les spectateurs qui connaissent l’ouvrage y trouvent leur compte, en termes de poésie, comme de burlesque, tout en m’assurant que ceux qui le découvrent puissent, dans le même temps, comprendre ce qu’ils voient sur scène. Antoine Fontaine, spécialiste de la machinerie des XVIIe et XVIIIe siècles, a conçu un décor de harem infernal, qui se referme sur lui-même, sans les treillis et kalachnikovs, vus cent fois ailleurs ! »
Les quatre représentations seront l’occasion d’entendre Mathias Vidal en Belmonte et Florie Valiquette, la soprano canadienne qui monte, en Constance.
Après Le nozze di Figaro, Don Giovanni, mais aussi Bastien & Bastienne – déjà en français, et enregistré en studio, en décembre 2022, pour le label Château de Versailles Spectacles –, le chef et organiste Gaétan Jarry poursuit, quant à lui, son parcours mozartien, à la tête des Chœur et Orchestre de l’Opéra Royal.
YANNICK MILLON