Cet Orphée aux Enfers, Olivier Py l’a attendu longtemps, lui qui ne cessait d’affirmer aux directeurs d’opéra son envie de faire rire – aussi – en musique. Pas très entendu, jusqu’à aujourd’hui, le prolifique metteur en scène français avait, pour seul Offenbach à son actif, les sérieux Contes d’Hoffmann, montés au Grand Théâtre de Genève, en 2001, alors qu’il débutait dans le répertoire lyrique.
Deux décennies, et nombre d’imposants ouvrages du XIXe siècle plus tard, le nouveau directeur du Théâtre du Châtelet peut enfin moquer, dans cette coproduction entre l’Opéra de Lausanne (où elle sera créée, le 23 décembre 2023), l’Opéra de Tours et l’Opéra National Capitole Toulouse, la société d’une époque qu’il connaît si bien.
« Opéra-bouffon » en deux actes, selon la partition de 1858, « opéra-féerie » en quatre actes, selon la seconde, et fastueuse, version de 1874, Orphée aux Enfers revisite le mythe antique du héros musicien (un agaçant violoneux) et de son Eurydice (encombrante et volage), à coups de bouffonneries et de piques politiques.
C’est la figure de « l’artiste dans la ville » qu’Olivier Py s’attachera à faire ressortir, en explorant son rapport au pouvoir. Pour mieux tailler un costume à la bourgeoisie du Second Empire, « dont Offenbach sape les structures avec génie, en la faisant rire de ses propres hypocrisies ».
Pas de vernis à enlever ici : « L’œuvre n’a pas pris la poussière. » Jupiter ne sera donc pas rhabillé en Emmanuel Macron, mais gardera les épaulettes de Napoléon III, tandis que les Enfers dévoileront un monde de théâtre empreint d’érotisme, conformément à la perception de l’époque.
Associer la politique au théâtre, une évidence ? « Chaque fois que je m’intéresse à la politique, je me dis que ce n’est pas sérieux », remarque le metteur en scène, qui souligne, en revanche, la « force politique » de monter une œuvre légère dans des moments tragiques.
Opérant un mixte des deux versions, Olivier Py, Pierre-André Weitz, aux décors et costumes, et Bertrand Killy, aux lumières, s’associent, une nouvelle fois, au chorégraphe et danseur Ivo Bauchiero, capable du grand écart entre shows de Mylène Farmer et opéras.
Samy Camps retrouvera le – petit – rôle d’Orphée, pendant que Marie Perbost s’attellera aux vocalises d’Eurydice, que Julien Dran, en Aristée/Pluton, règnera sur les Enfers, et que Nicolas Cavallier prendra l’air patelin de Jupiter, sous la direction musicale d’Arie van Beek.
« Rions, puisque le monde n’est pas très drôle », nous dit Olivier Py… Et puisque ce seront les fêtes de fin d’année !
ROXANE BORDE