En février 2022 (voir O. M. n° 181 p. 43 d’avril), le Grand Théâtre de Genève prenait le risque de conjuguer, pour la mise en scène d’Atys, les talents d’un chorégraphe éminent, Angelin Preljocaj, d’une plasticienne, Prune Nourry, et d’une styliste, ou plutôt sculptrice de vêtements, Jeanne Vicérial.
La nouvelle production d’Idomeneo, présentée à partir du 21 février, avec, pour dénominateur commun, Leonardo Garcia Alarcon, en est l’écho. Aussi attendu que cette vision absolument neuve de la « tragédie lyrique » de Lully était captivante. Sans pour autant appliquer la formule à l’identique, puisque le spectacle portera, cette fois, la signature de Sidi Larbi Cherkaoui, directeur du Ballet du Grand Théâtre, de l’artiste japonaise Chiharu Shiota, pour ses débuts de scénographe, et de son compatriote, le créateur de mode, et de costumes, Yuima Nakazato.
Pour le chef argentin, qui s’apprête, également, à présenter, fin mars, au Festival de Pâques de Salzbourg et à l’Opéra de Dijon, Johannes-Passion (La Passion selon saint Jean) de Bach, avec Sasha Waltz, ce type d’expérience est « un grand cadeau. Pour moi, affirme-t-il, l’opéra n’est, ni une pièce de théâtre, ni un ballet. L’opéra, c’est de l’opéra ! On peut tout essayer avec le jeu, l’esthétique, mais il est impossible de s’opposer au discours musical. Des personnalités comme Angelin Preljocaj et Sasha Waltz se laissent, justement, porter par la vague proposée par le compositeur. Dans Idomeneo, Sidi Larbi Cherkaoui permet que la pièce puisse vraiment s’enchaîner sur le plan dramatique. Il ne s’agit pas, pour lui, d’un problème théâtral, comme cela pourrait l’être pour un homme de théâtre, qui a besoin d’une certaine action, et d’un autre type de rythme. Il a cette manière presque orientale de traiter le temps : il ne craint pas la longueur. »
C’est ensemble, dès lors, que le chorégraphe belge et Leonardo Garcia Alarcon trouveront leur propre voie, parmi les différentes versions possibles du premier « opera seria » de la maturité de Mozart, qui parvint quasiment mutilé au terme des répétitions de la création, à Munich, en 1781. « Parce que le compositeur devait faire face à une résistance énorme, entre son écriture et la matière poétique. Il faut comprendre que nous nous retrouvons, aujourd’hui, avec les mêmes problèmes. Et nous ne sommes pas Mozart ! », s’exclame le chef.
À la tête d’une formation unissant, dans la pratique « historiquement informée », les musiciens de son ensemble, Cappella Mediterranea, et de l’Orchestre de Chambre de Genève, Leonardo Garcia Alarcon guidera les prises de rôles de Giulia Semenzato, Lea Desandre et Stanislas de Barbeyrac, en Ilia, Idamante et Idomeneo.
MEHDI MAHDAVI