Dmitri Tcherniakov livrait, en juillet dernier (voir O. M. n° 195 p. 46 de septembre 2023), au Festival d’Aix-en-Provence, sa vision très personnelle, et partant contestable, et contestée, de Cosi fan tutte. Du 2 au 22 février 2024, le Théâtre du Châtelet le reprend à l’identique. À l’exception de Patricia Petibon, qui devrait ne faire qu’une bouchée de la Despina, pour le moins surprenante, taillée aux mesures de Nicole Chevalier. Et, surtout, de Christophe Rousset et son orchestre Les Talens Lyriques, qui prennent, dans la fosse, le relais, toujours sur instruments d’époque, de Thomas Hengelbrock et du Balthasar-Neumann-Ensemble.
Au cours des quinze dernières années, le chef et claveciniste français s’est déjà penché, par trois fois, sur le dernier volet de la « trilogie Mozart/Da Ponte ». Aussi bien avec des formations modernes – notamment pour ses débuts, à la baguette, dans la fosse du Théâtre de l’Archevêché, en 2008 – qu’avec son propre ensemble (à l’Opéra de Dijon, en 2012).
« Il y a une compréhension au-delà des mots avec mon orchestre, c’est certain, remarque Christophe Rousset. Et nous avons fait ensemble un long trajet, passant par Salieri, Martin y Soler et Cimarosa, qui nous a apporté la connaissance, fondamentale pour moi, du répertoire viennois de cette époque. Nous ne sommes donc pas, uniquement, dans un hommage presque religieux à Mozart. Il nous faut aborder Cosi fan tutte comme si c’était la première fois, en faisant, peut-être, un petit pas de côté. Un tel chef-d’œuvre a une grande ductilité, et je vais aussi devoir adapter l’idéal que j’ai dans la tête par rapport à la réalité du lieu, des solistes et de la mise en scène, pour rendre justice au mieux à la partition. »
Tant les chanteurs, délibérément d’âge mûr pour le concept, que la mise en scène, Christophe Rousset, qui n’a pas vu la production, cet été, les découvrira en répétitions. Sans la moindre inquiétude. « On a tendance, aujourd’hui, à distribuer Mozart à de très jeunes voix, limpides, peut-être aux dépens des capacités dramatiques, constate-t-il. On s’est focalisé, à Aix-en-Provence, sur l’âge des chanteurs, mais c’est un faux débat, dans la mesure où nous n’avons que de grands artistes. S’ils ont accepté de revenir à ces rôles, c’est qu’ils en sont capables. Et puis, j’ai une confiance absolue en Dmitri Tcherniakov, dont je suis un fan ! »
MEHDI MAHDAVI