La Società del Quartetto de Milan, institution dédiée à la diffusion de la musique, a organisé, le 21 novembre, un concert gratuit destiné à attirer l’attention des pouvoirs publics italiens sur la prochaine mise aux enchères de la Villa Verdi. Transformée partiellement en musée, la maison située à Sant’Agata di Villanova (en Émilie-Romagne, dans le nord de l’Italie) a fermé ses portes le 30 octobre dernier, après que le tribunal de Parme a ordonné la vente du bâtiment et du parc voilà quelques mois. Cette décision vient mettre fin à une vingtaine d’années de querelles familiales.
Lorsque le descendant direct de la petite cousine de Giuseppe Verdi, Alberto Carrara Verdi, meurt en 2001, quatre frères et sœurs héritent de la propriété. Dès lors, la fratrie ne parvient pas à s’accorder sur le sort de la villa, et aucun de ses membres n’a été en mesure de racheter les parts des uns et des autres. La situation s’est donc embourbée, et la maison, dégradée.
Aujourd’hui très fragilisée, la demeure a été habitée par Verdi de 1851 à sa mort, en 1901. Pendant ces cinquante années, qui verront l’écriture de tant de chefs-d’œuvre, le musicien n’a jamais cessé d’aménager, d’agrandir et d’embellir cette maison. Aujourd’hui encore, ces murs sont imprégnés de la vie du compositeur ; un piano, ainsi que nombre d’œuvres d’art, de livres et de meubles qui lui appartenaient peuplent toujours les lieux. Manuscrits, brouillons et lettres ont, en revanche, été transférés aux Archives de Parme en 2017.
Rassemblés ce lundi au Teatro Lirico de Milan sous le slogan « Uniti per Verdi », de grands noms de la scène lyrique italienne ont répondu présents à l’appel du ténor Francesco Meli et du chef d’orchestre Riccardo Frizza : Eleonora Buratto, Chiara Isotton, Roberta Mantegna, Caterina Piva, Annalisa Stropp, Piero Pretti, Roberto de Candia, Leo Nucci, Massimo Cavalletti et Riccardo Zanellato ont participé au concert aux côtés d’instrumentistes issus de différents orchestres italiens. Riccardo Frizza, Michele Gamba et Sesto Quatrini se sont succédés à la baguette, et le metteur en scène Davide Livermore a lu des extraits de la correspondance du compositeur. Conclue par une avalanche de « Viva Verdi », la soirée avait pour ambition d’attirer l’attention des autorités compétentes, puisque l’État italien dispose d’un droit de préemption sur la vente.
En mai dernier, le chef d’orchestre Alessandro Bonato avait déjà lancé une pétition adressée au président de la République italienne, au président du Conseil et au ministre de la Culture. Il y rappelait l’importance de préserver un tel lieu : « La villa témoigne de la vie de Verdi, et recèle des trésors d’une valeur inestimable, qui montrent combien le compositeur a compté pour l’histoire de notre pays et pour le monde entier. Il s’agit d’un héritage précieux, fait de documents et d’objets, que musiciens, chercheurs, mélomanes et touristes devraient pouvoir admirer, afin de garder vivants les souvenirs que nous avons de l’un des musiciens italiens les plus importants de l’histoire. » Le ministre de la Culture Gennaro Sangiuliano a, de son côté, assuré que l’État rachèterait bien la villa. Une affirmation que le ténor Francesco Meli a accueilli avec prudence : « J’espère que ce sera vraiment le cas, les hommes politiques sont toujours bons pour parler », a-t-il déclaré dans une interview accordée au média OperaWire, « nous verrons bien »…
ROXANE BORDE