C’est son ami de longue date, le chef d’orchestre James Conlon, qui a annoncé sa disparition sur Twitter : John Aler est mort à l’âge de 73 ans, alors que les deux artistes prévoyaient depuis quelques semaines de célébrer bientôt leur demi-siècle de complicité musicale. Originaire de Baltimore, dans le Maryland, le ténor s’est illustré sur les scènes lyriques du monde entier, aussi bien dans les répertoires italien et mozartien que français.
Avec sa voix très caractéristique, à la fois ronde et légère, il semblait manifester une prédilection pour les compositeurs venus de l’Hexagone. Alain Lanceron, président de Warner Classics et Erato, se souvient avec émotion d’un « homme extrêmement calme, discret, travailleur, très aimé de ses collègues, et aussi un peu à part, car il n’avait pas de plan de carrière. Il interprétait le répertoire romantique avec les qualités d’un chanteur baroque, et dans un français délicieux. L’entendre pour la première fois dans Hippolyte et Aricie de Rameau au Festival d’Aix-en-Provence, avec Jessye Norman et José Van Dam, m’a donné l’idée de faire des projets avec lui. »
Outre la version historique des Boréades de Rameau gravée par John Eliot Gardiner, avec lequel il collabora très régulièrement, John Aler compte à son actif discographique Le Postillon de Longjumeau, Les Pêcheurs de perles de Bizet, La Belle Hélène d’Offenbach, Œdipe d’Enesco… Il a également participé à plusieurs enregistrements de référence consacrés à Berlioz : Roméo et Juliette, avec Jessye Norman et dirigé par Riccardo Muti, L’Enfance du Christ, le Requiemsous la baguette de Robert Shaw, ainsi que des mélodies, avec le pianiste Cord Garben, aux côtés de Françoise Pollet, Anne Sofie von Otter et Thomas Allen.
Plusieurs fois lauréat des Grammy Awards, le ténor américain ne s’est jamais produit sur la scène du Metropolitan Opera, ainsi que le remarque le site Slipped Disc. Un ami du défunt a tenu à apporter une précision sur ce sujet, expliquant que le chanteur s’était vu proposer une production par l’institution lyrique new-yorkaise, mais qu’il l’avait refusée, estimant – avec une lucidité qui devrait faire école – que la taille de la salle n’était pas adaptée à sa voix, et qu’il préférait les plus petites maisons d’opéra, notamment européennes. Le cœur de John Aler battait décidément de notre côté de l’Atlantique.
ROXANE BORDE