L’annulation du Festival d’Aix-en-Provence en 2020, dont le traumatisme a insufflé à son directeur, Pierre Audi, l’ambition de voir toujours plus grand et plus fort, fait coïncider les 75 ans de la manifestation avec sa 75e édition.
Rescapé de ce funeste été, le Così fan tutte de Mozart selon Dmitri Tcherniakov et Thomas Hengelbrock marque dès lors un retour aux sources, l’ouvrage ayant essuyé les plâtres du Théâtre de l’Archevêché – de simples tréteaux en vérité –, en 1948. Autre report, et nouvelle revanche, puisque la grève des intermittents de 2003 avait empêché la production de Stéphane Braunschweig de voir le jour, Wozzeck de Berg est enfin créé à Aix-en-Provence, avec Christian Gerhaher en tête d’affiche, Simon Rattle au pupitre du London Symphony Orchestra, et dans un spectacle de Simon McBurney.
Mais c’est la troupe de la Comédie-Française qui ouvrira cette édition, avec un Opéra de quat’sous confié à Thomas Ostermeier, qui signera sa première mise en scène lyrique. Donné dans une traduction française, l’ouvrage sera dirigé par Maxime Pascal.
Onze ans après le triomphe de Written on Skin au Grand Théâtre de Provence, George Benjamin et Martin Crimp sont réunis, au Théâtre du Jeu de Paume cette fois, pour la création de Picture a Day like this.
Outre le Stadium de Vitrolles, qui sera de nouveau mis à contribution à la faveur des trois grands ballets de Stravinsky illustrés par des vidéos de Rebecca Zlotowski, Bertrand Mandico et Evangelia Kranioti, et interprétés – sans sonorisation – par l’Orchestre de Paris et Klaus Mäkelä, le Festival investit un autre bâtiment conçu par l’architecte Rudy Ricciotti : le Pavillon Noir, qui abrite le Ballet Preljocaj, accueillera la création européenne de The Faggots and Their Friends between Revolutions de Philip Venables et Ted Huffman, mi-opéra baroque, mi-cabaret queer.
Pluie de stars, enfin, sur les trois opéras en version de concert : John Osborn et Anita Rachvelishvili dans le rare Prophètede Meyerbeer, sous la baguette de Mark Elder ; Lisette Oropesa et Pene Pati – mais aussi, Florian Sempey et Nicolas Courjal – dans Lucie de Lammermoor de Donizetti, avec les forces de l’Opéra de Lyon emmenées par Daniele Rustioni ; et surtout Jonas Kaufmann dans un Otello de Verdi, où le rêve de sa confrontation avec le Iago de Ludovic Tézier deviendra enfin réalité.
De quoi oublier la menace que les déclarations du ministre de l’Intérieur font peser sur la tenue des festivals français en 2024 ?
CHRISTIAN WASSELIN