Opéras Hänsel und Gretel à Strasbourg
Opéras

Hänsel und Gretel à Strasbourg

18/12/2025
Julietta Aleksanyan et Patricia Nolz. © Klara Beck

Opéra, 7 décembre

La période Covid avait contraint cette production de Hänsel und Gretel à l’Opéra National du Rhin à une captation vidéo diffusée pendant la période des fêtes 2020 – captation à laquelle avait pu assister Laurent Barthel (voir O. M. n° 169 p. 41). De retour sur scène pour la dernière saison d’Alain Perroux, directeur des lieux, le chef-d’œuvre de Humperdinck bénéficie du travail soigné de Pierre-Emmanuel Rousseau, qui déplace le conte pour enfants du côté d’une lecture psychanalytique. Rien qui ne justifie pour autant la mention liminaire réservant le spectacle à un public d’adolescents et adultes avertis encore capables de s’émouvoir de quelques allusions inoffensives…

Le premier acte installe l’action dans l’univers décati et misérable d’un no man’s land très « Regietheater », avec une frontière bétonnée aux faux airs de mur berlinois et ces deux adolescents errant parmi les détritus à la recherche de subsistances. Rien ne nous est épargné du côté des parents, dont l’alcoolisme et la brutalité disent clairement l’absence d’affection. La suite dévie progressivement de la fable sociale au monde interlope et inquiétant d’une fête foraine au centre de laquelle trône la maison en pain d’épices de la Sorcière. Guidés par un personnage grimé en clown de cauchemar, à la fois Marchand de sable et Fée rosée, les enfants pénètrent dans le domaine d’une Knusperhexe venimeuse et prédatrice, qui dissimule sa monstruosité sous de faux airs de Marlene Dietrich portant une robe en lamé or. Les chorégraphies de Pierre-Émile Lemieux-Venne peuplent ces tableaux crépusculaires d’un étrange bestiaire où foisonnent les allusions d’un music-hall façon Olivier Py avec ampoules de cabaret, spectres et transformistes, le tout savamment éclairé par un Gilles Gentner capable de changer une pluie d’or en moment de pure féerie.

Le plateau vocal peine à rendre la pétulance visuelle du spectacle, avec la Gretel de Julietta Aleksanyan, dont les couleurs en demi-teinte et l’intonation en retrait ne font pas le poids face à l’élégance et à la netteté de ligne du Hänsel de Patricia Nolz, impayable en gamin effronté. Catherine Hunold passe étonnamment à côté de son rôle de mère acariâtre, faisant de cette Gertrud un personnage anodin et sans relief, qui ne rend pas justice à ses moyens vocaux. À ses côtés, Damien Gastl campe un Peter sonore et virulent, dont le paternalisme se mue en tendresse bourrue. Alternativement Marchand de sable et Fée rosée, Louisa Stirland captive par l’alliance du doucereux et du pervers, mais c’est à Spencer Lang que revient la palme de la soirée avec sa Sorcière à la fois nécromancienne et croqueuse d’enfants, aux accents acerbes et glaçants, confirmant la bonne idée de confier le rôle à une voix de ténor.

Placé sous la direction de Christoph Koncz, l’Orchestre National de Mulhouse déploie avec malice toute une galerie de citations qui vont de Wagner à Strauss, aux cordes à vif, qui dialoguent avec des fanfares de cuivres mêlant interventions contrastées et mélodies chaloupées.

DAVID VERDIER

Damien Gastl (Peter)
Catherine Hunold (Gertrud)
Patricia Nolz (Hänsel)
Julietta Aleksanyan (Gretel)
Spencer Lang (Die Knusperhexe)
Louisa Stirland (Sandmännchen, Taumännchen)
Christoph Koncz (dm)
Pierre-Emmanuel Rousseau (ms/dc)
Gilles Gentner (l)
Pierre-Émile Lemieux-Venne (ch)

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