Teatro Alighieri, 15 novembre
Après l’Arioste (Orlando), place à un auteur anonyme pour Alcina, le chef-d’œuvre du « Caro Sassone », à jamais marqué par Joan Sutherland ou Renée Fleming, irréelles dive. Dans le rôle-titre, la soprano Giuseppina Bridelli est certes encore inexpérimentée pour transcender les difficultés de ce personnage aux multiples facettes, mais malgré l’absence de trille, de liberté dans l’ornementation et d’éclat dans les vocalises, elle parvient au bout du rôle sans démériter, guidée par Pizzi qui en fait une héroïne tragique et par Dantone qui pallie son manque d’imagination par un surcroît d’expressivité musicale obtenu grâce à la qualité des musiciens de l’Accademia Bizantina, particulièrement inspirés.
Ruggiero, l’amant préféré d’Alcina tenu par Elmar Hauser, est mieux distribué cette fois, même si ses reprises manquent d’inventivité et si l’instrument, étroit, apparaît troué par endroits et sans consistance suffisante. Delphine Galou, malgré son expérience, n’est pas la Bradamante fière, brûlante et engagée que l’on attend ici, trahie par une voix éteinte au tissu mité (aigu et grave non soudés) et par un corps qui se contorsionne dès qu’il convient de vocaliser. Martina Licari passe en revanche sans ambages de Dorinda à Morgana, dont elle possède le format et l’aplomb jusque dans l’acrobatique « Tornami a vagheggiar ». Dommage qu’elle abuse d’aigus fixes, sans vibrato, qui font parfois vriller les tympans, car le reste de sa prestation est très prometteur !
Oronte, général des armées d’Alcina, est tenu par le Slovène Žiga Čopi, entendu ici-même l’an dernier dans Il ritorno d’Ulisse in patria de Monteverdi. La présence scénique du jeune ténor est indiscutable – sa façon de se ruer sur Melisso tel un fauve sur sa proie, prêt à n’en faire qu’une bouchée, est vraiment très amusante –, la projection puissante et les intentions pertinentes, mais il lui faudra apprendre à mieux canaliser ses moyens et gagner en maturité pour s’imposer définitivement dans ce répertoire exigeant. La voix de Christian Senn (Melisso) présente les mêmes défauts que dans Orlando, marquée par des duretés et une certaine instabilité dans le haut du registre.
FRANÇOIS LESUEUR
Giuseppina Bridelli (Alcina)
Elmar Hauser (Ruggiero)
Martina Licari (Morgana)
Delphine Galou (Bradamante)
Žiga Čopi (Oronte)
Christian Senn (Melisso)
Ottavio Dantone (dm)
Pier Luigi Pizzi (ms/dc)
Oscar Frosio (l)
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