Théâtre Royal, 19 novembre
Bien qu’il soit l’opéra le plus connu de Nino Rota, Il cappello di paglia di Firenze reste encore une rareté. On se souvenait d’une production à Nantes en 2012 (voir O. M. n° 80 p. 28) que Patrice Caurier et Moshe Leiser avaient mise en scène à l’époque de la pièce de Labiche, dans un registre caricatural à la Daumier. Dans sa mise en scène, créée à Gênes en 2007, Damiano Michieletto a choisi de l’installer à l’époque de la création de l’œuvre, dans les années 1950, comme le montrent les costumes des choristes, petits bourgeois banlieusards errant dans Paris à la suite du jeune marié.
Son décor, d’une blanche neutralité, joue d’un ensemble de parois mobiles trouées de portes multiples, manipulées à vue par d’élégants majordomes en veste blanche, et prend des allures de plateau de comédie musicale. Ses transformations permettent de renouveler les espaces de l’action avec un simple accessoire (méridienne, baignoire…) et la nudité de la scène valorise une direction d’acteurs au cordeau, et les effets caractéristiques du vaudeville : entrées et sorties inattendues des personnages, simultanéité de certaines scènes, offrant un équivalent visuel labyrinthique à la course au chapeau qui mène l’intrigue. Monté sur une tournette, le dispositif semble parfois près de basculer lorsque la « farsa » devient de plus en plus délirante, donnant un petit côté surréaliste à cette comédie burlesque.
Pour cette reprise, l’Opéra Royal de Wallonie-Liège a réuni une distribution de tout premier plan. Dans le rôle très exigeant de Fadinard, le ténor Ruzil Gatin se distingue tout particulièrement, véritable caméléon vocal face à une écriture qui traverse tous les styles de l’opéra italien, de Bellini et Donizetti au Puccini de La rondine, passant souvent du tenore di grazia au ténor lyrique. Son registre aigu facile et brillant impressionne, et la finesse de sa caractérisation n’est pas en reste. Parmi les figures à qui le compositeur a réservé une scène en propre, signalons la pulpeuse Baronne de la mezzo Josy Santos, plus snob que nature, le Beaupertuis courroucé du baryton Marcello Rosiello, le Nonancourt solennel et grognon de Pietro Spagnoli, et l’Elena de Maria Grazia Schiavo jouant les oies blanches avec beaucoup de finesse et de style. Son duo amoureux avec Fadinard reste un moment grâce absolue. Du côté des rôles plus épisodiques, citons encore l’Anaide faussement tragique d’Elena Galistkaya et son amant, le brutal Emilio de Rodion Pogossov, ou Blagoj Nacoski, aussi savoureux en Achille de Rosalba qu’en soldat enrhumé condamné à assurer la garde de nuit. Du côté des utilités, le talent règne également, et que ce soit l’oncle Vezinet, l’agile valet Felice, la modiste ou le caporal des gardes, tous apportent leur petite note personnelle à la réussite de l’ensemble.
Dans la fosse, Leonardo Sini fait valoir la richesse d’une partition où l’on aurait tort de ne voir qu’un simple pastiche. Car si en effet on peut y entendre de nombreuses réminiscences du grand répertoire italien, les références du compositeur vont bien au-delà. L’orage à l’acte IV doit autant à Rossini qu’à Wagner et l’on croit entendre parfois des échos de comédie musicale ou d’opérette, et bien sûr un petit air de musique de film, ce qui n’a rien d’étonnant venant d’un compositeur qui en avait fait sa spécialité.
ALFRED CARON
Ruzil Gatin (Fadinard)
Pietro Spagnoli (Nonancourt)
Marcello Rosiello (Beaupertuis)
Maria Grazia Schiavo (Elena)
Josy Santos (La Baronessa di Champigny)
Rodion Pogossov (Emilio)
Didier Pierri (Lo Zio Vézinet)
Lorenzo Martelli (Felice)
Blagoj Nacoski (Achille di Rosalba)
Elena Galistkaya (Anaide)
Elisa Verzier (La Modista)
Leonardo Sini (dm)
Damiano Michieletto (ms)
Paolo Fantin (d)
Silvia Aymonino (c)
Luciano Novelli (l)
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