1 DVD & 1 Blu-ray Château de Versailles Spectacles CVS 188

Ce Dido and Aeneas mis en scène par Cécile Roussat et Julien Lubek a été capté à l’Opéra Royal de Versailles (voir O. M. n° 208 p. 83). Créée en 2014 à Rouen sous la direction de Vincent Dumestre, la production conserve son déluge d’images, d’illusions et de rituels. Un théâtre saturé d’effets : grottes de carton-pâte, draperies ondoyantes, poissons mécaniques, poulpe géant dont les tentacules colonisent l’espace. Ce monde tour à tour candide et troublant fascine autant qu’il lasse. Deux visions dominent cependant : la sorcière-pieuvre, grotesque et menaçante, et la disparition de Dido, engloutie dans sa robe devenue océan. Danseurs et acrobates apportent une poésie charnelle, surtout dans les scènes de sorcières, où la gestuelle frôle l’emphase mais sait se muer en invocation. Sous l’archet de Stefan Plewniak, l’Orchestre de l’Opéra Royal dévoile un grain souple et palpitant. La direction, vive et sensuelle, magnifie la partition malgré les ajouts instrumentaux, dont l’abondance brouille quelque peu le flux dramaturgique.

Sonya Yoncheva trouve dans Dido le reflet d’une maturité vocale assumée : métal sombre du timbre, souffle généreux, phrasé habité. Plus puccinienne que purcellienne dans l’ardeur expressive, elle impose néanmoins une héroïne d’une force rare. Son ultime « Remember me » suspend le temps : la voix se déploie comme un voile sur la brise, d’abord prière, puis résignation engloutie. Halidou Nombre campe un Aeneas hésitant, émission fragile mais présence croissante. Autour d’eux, la troupe de l’Académie de l’Opéra Royal apporte fraîcheur et éclat : Sarah Charles (Belinda) charme par son timbre fruité ; Pauline Gaillard et Yara Katsi colorent les Sorcières d’accents acides et mutins. Le chœur, discret mais solide, diffuse une ferveur constante. Chatoyant, volontiers surchargé, ce Dido and Aeneas trouve pourtant, dans ses moments de retrait, la vérité du théâtre : entre exubérance circassienne, baroque illuminé et modernité frémissante, chaque élément participe d’un enchantement parfois contrarié, jamais figé.

CYRIL MAZIN

Sonya Yoncheva (Dido) – Sarah Charles (Belinda) – Halidou Nombre (Aeneas) – Attila Varga-Tóth (Sorceress, Sailor) – Yara Katsi (First Witch) – Pauline Gaillard (Second Witch) – Arnaud Gluck (Spirit)

Chœur et Orchestre de l’Opéra Royal, dir. Stefan Plewniak. Mise en scène : Cécile Roussat et Julien Lubek. Réalisation : Julien Condemine (stéréo ; Dolby Digital 2.0)

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